Littérature francophone
Le 27 août 2002
Depuis son exil américain, Emmanuel Dongala exerce son regard sévère et désenchanté sur l’Afrique telle qu’elle meurt.


- Auteur : Emmanuel Dongala
- Editeur : Le serpent à plumes
- Genre : Roman & fiction

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Dans l’indescriptible chaos de la guerre civile, Chien Méchant ratisse sa ville. Le pouvoir est au bout du fusil. Il ne fait d’ailleurs que suivre les ordres, à la tête de sa milice mercenaire. Son chef, le "Général Giap" est satisfait. Pendant 48 heures, ses hommes peuvent "se servir". Les civils entassent dans des sacs de fortune ce qu’ils ont de plus précieux : quelques bananes, une dame-jeanne de vin de palme, une photographie. Le reste, ils l’enterrent devant leur maison, dans l’espoir insensé de revenir.
Laokolé fuit les pillages en poussant sa mère, mutilée, dans une brouette. Scènes de panique, émeutes, camps de réfugiés, c’est l’espoir qui est réduit à néant quand on a seize ans et qu’on rêve d’avenir, de baccalauréat, d’école d’ingénieurs.
Le récit s’articule à partir du double regard du guerrier et de la jeune fille, entraînés chacun dans sa propre logique, vers un destin qu’ils ne maîtrisent plus. Chien Méchant tue, pille, viole, étourdi par le goût du sang et de la puissance. Laokolé tente de préserver un semblant de dignité au milieu du chaos, à l’affût de traces d’humanité dans l’innommable du quotidien. Leurs deux trajectoires finiront par se rencontrer, dans une confrontation sur le fil du rasoir, où la victoire sera celle des mots.
Comme à son habitude, Dongala s’attache aux hommes et aux femmes au plus près de leur être, de leur souffrance. Il nous fait vivre de l’intérieur ce conflit banalisé par les reportages internationaux. Pas d’effets inutiles, pas de fioritures, Dongala ne prend pas parti et nous livre l’horreur comme un aléa du quotidien. On peut peut-être regretter un certain académisme, loin de l’humour qui faisait la légèreté de Jazz et vin de palme, mais la gravité du propos excuse beaucoup de maladresses. Johnny Chien Méchant est un réquisitoire impitoyable contre l’injustice sans nom de ces conflits africains qui, on l’oublie parfois, sabordent l’avenir d’une population sacrifiée.
Emmanuel Dongala, Johnny Chien Méchant, Le Serpent à plumes, 2002, 360 pages, 18 €