Le 14 juin 2018
- Scénariste : Ennis, Garth>
- Dessinateur : Russ Braun
- Coloriste : John Kalisz
- Série : Jimmy’s bastards
- Genre : Action , Policier
- Editeur : Snorgleux Comics
- Famille : Comics
- Date de sortie : 1er juin 2018
"Je m’appelle Bond, James Bond". Cette réplique, vous la connaissez tous. Elle incarne l’espion parfait, le charme anglais, le pouvoir de séduction, le tout réuni dans l’un des personnages les plus célèbres du XXème siècle : James Bond, créé par Ian Flemming. Maintenant, que se passe t-il lorsque Garth Ennis, le co-créateur de Preacher, s’associe à Russ Braun afin de casser le mythe de l’espion anglais ?
Résumé : Jimmy Regent est le plus grand espion d’Angleterre. Il est beau, fortuné et presque toutes les femmes succombent à son charme. Une nouvelle mission les attend lui et sa nouvelle partenaire Nancy McEwan : découvrir ce qui se cache derrière le "gender fluid" et qui sont les personnes qui cherchent à l’éliminer.
Jimmy’s bastards est un comics qui offre plusieurs niveaux de lecture. De base, c’est un album d’espionnage violent, bourré d’action, de sexe et de personnages absurdes. Mais c’est bien cette absurdité qui fait le charme de ce livre, à mi-chemin entre une parodie et une satire sociale qui surfe sur les peurs inconsidérées des mouvances extrémistes actuelles. Garth Ennis, le scénariste est bien connu pour avoir travaillé sur Hellblazer ou pour avoir co-créé Preacher. C’est un artiste talentueux qui analyse avec brio la société, ses qualités et ses défauts. Russ Braun, lui, a dessiné sur des séries comme Batman ou Swamp Thing et il a acquis un talent certain pour dynamiser son style en travaillant pendant sept ans chez Walt Disney. Jimmy’s bastards est un condensé d’action visuelle toujours en mouvement avec un grand sourire aux dents blanches.
James Bond ce héros bien connu est loyal envers la couronne, séducteur, et sait se sortir de toutes les situations. Ici, Jimmy Regent est une caricature nerveuse au sourire Colgate et ses ennemis sont des personnages bizarres et fous à lier qui veulent dominer le monde à la façon d’un Dr. No. Il est clairvoyant sur ses privilèges, à savoir qu’il est un homme blanc d’une catégorie sociale aisée, et il en profite au maximum. Il protège la démocratie, non pas parce qu’il la respecte mais simplement parce qu’elle est au pouvoir et qu’elle est vue comme la meilleure forme de gouvernance actuelle et peu importe s’il faut composer avec des dictateurs. Sur le plan de la séduction, là aussi le personnage est poussé à son paroxysme puisque non content de coucher avec de nombreuses femmes, il a donné naissance à ses pires ennemis au sens propre du terme. Enfin, moquant l’habileté à toute épreuve de son alter ego, Jimmy Regent est totalement blasé lorsqu’il tue, protège, sauve le monde. De la même façon qu’il travaillerait sur un ordinateur ou qu’il ferait du pain, il exerce son travail méticuleusement sans pression comme s’il ne courrait aucun danger : C’est le héros, il ne court aucun risque, le lecteur sait qu’il ne sera pas tué par des personnages secondaires.
Parlons à présent de la satire sociale. Jimmy’s bastards s’inscrit dans un contexte où les mouvements politiques extrémistes remportent de plus en plus d’élections (on l’a encore vu récemment en Italie). De ce fait, l’album monte au créneau de façon subtile et se moque de ces idéologies en opposant Jimmy Regent (fameux privilégié comme nous le disions plus haut) aux inquiétudes absurdes de ces mouvances. L’une des scènes de l’album est particulièrement intéressante à ce sujet. Il s’agit d’une attaque menée contre Jimmy Regent par deux hélicoptères arborant la croix gammée dont les pilotes sont des noirs déguisés en blancs. Ce passage est très représentatif de la critique de Garth Ennis. Il se moque ici intelligemment de la "théorie du grand remplacement" en présentant un noir grimé en blanc et en poussant l’absurde jusqu’à additionner deux opposés : l’immigration et la violence du nazisme.
L’œuvre regorge de métaphores du même acabit et se moque de James Bond, symbole du passé, pour critiquer tout en finesse l’inaction des anciens qui ont engendré les problèmes d’aujourd’hui pour se contenter, désormais, de vivre avec des privilèges en refusant d’évoluer et d’accepter la différence. C’est pour cette raison que cet album se doit d’être lu.
127 pages - 16,50 €
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