Le 28 juin 2019
- Scénariste : Ware, Chris>
- Dessinateur : Chris Ware
- Collection : Contrebande
- Genre : Chronique sociale
- Editeur : Delcourt
- Famille : Roman graphique
- Date de sortie : 11 avril 2002
Qu’attendre de la vie si même Superman se vautre lamentablement du haut d’un building ? Une douloureuse interrogation qui émane de l’étonnante BD - en partie autobiographique - de l’Américain Chris Ware.
Le curriculum vitae de Jimmy Corrigan pourrait tenir en quelques lignes : célibataire, 36 ans, employé de bureau à Chicago, dépourvu de charisme mais empli de fantasmes, vie affective nulle, incapable de communiquer, discret voire transparent. Sur le plan familial, l’arbre généalogique de ce fils unique fait plutôt figure de bonsaï : une mère possessive et un père inconnu. Or un jour, Jimmy reçoit une lettre de son géniteur l’invitant à le rencontrer ; le temps d’un week-end il apprendra, outre l’existence de son père, celles d’un grand-père presque centenaire et d’une soeur adoptive.
Il fallait bien une BD-fleuve - pas moins de 380 pages ! - pour conter la saga des Corrigan à celui qui n’avait pas de passé. Et de retrouvailles en révélations successives le constat est à la fois éclairant et affligeant : les frustrations que subissait l’aïeul enfant ont été transmises inconsciemment à sa descendance. Par conséquent, on cerne mieux notre anti-héros bourré de névroses : dernier du nom, il paie les frais d’un lourd héritage émotionnel.
La particularité de cette œuvre est qu’elle n’entraîne jamais le lecteur sur la voie du pathos. Bien au contraire, le procédé narratif de Chris Ware invite à la distance : les planches foisonnent de petites cases accompagnées souvent de flèches indiquant le sens de la lecture tel un jeu de l’oie ; les découpages-pliages encartés rompent le ton tragique ; le dessin stylistique proche du pictogramme ou encore le lettrage surdimensionné de certains mots tendent au registre publicitaire.
On rit, mais souvent jaune : Chris Ware stigmatise la déshumanisation des mégapoles et la société actuelle qui rend nos problèmes existentiels dérisoires... La vie ressemble à un théâtre dans lequel on nous fait jouer une mauvaise farce. Curieusement, ce roman graphique est un petit monde parfait tant dans le fond que dans la forme ; Chris Ware pousse le perfectionnisme jusqu’à l’ornementation des pages de garde et à la conception d’une jaquette dépliante.
Notre situation n’est pas totalement désespérée, il y a au moins le bonheur de lire Jimmy Corrigan.
380 pages - 45 €
La chronique vous a plu ? Achetez l'œuvre chez nos partenaires !
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.