Le prix de l’amour
Le 21 avril 2011
Cet inédit de Fassbinder, bouleversant mélodrame rectiligne d’une implacable douceur, est un véritable concentré de l’art du cinéaste.
- Réalisateur : Rainer Werner Fassbinder
- Acteurs : Ingrid Caven, Vitus Zeplichal, Elke Aberle, Erni Mangold, Alexander Allerson, Johanna Hofer
- Genre : Drame
- Nationalité : Allemand
- Date de sortie : 20 avril 2011
- Plus d'informations : http://www.carlottavod.com/index.ph...
L'a vu
Veut le voir
–
– Durée : 1h 50mn
– Titre original : Ich will doch nur, dass ihr mich liebt
– Première diffusion : 23 mars 1976 (ARD Première Chaîne Allemande)
– Tournage : 25 jours en novembre - décembre 1975
Cet inédit de Fassbinder, bouleversant mélodrame rectiligne d’une implacable douceur, est un véritable concentré de l’art du cinéaste.
L’argument : Jeune ouvrier, Peter passe l’essentiel de son temps libre à construire une maison pour ses parents, des patrons de bistrot qui ne lui ont jamais donné beaucoup d’affection. Depuis son enfance, le garçon souffre de la froideur et de l’incompréhension de ceux envers qui il manifeste des signes d’amour. Afin de ne pas être un poids pour ses parents dans leur nouvelle maison, Peter déménage à Munich avec Erika, la jeune fille qu’il vient d’épouser. Le couple découvre les affres et les tentations de la grande ville. S’évertuant à offrir à sa compagne le meilleur confort matériel possible, Peter travaille d’arrache-pied et cumule les heures supplémentaires. Mais le couple s’endette irrémédiablement...
Notre avis : Produit pour la télévision allemande WDR par la Bavaria Atelier GmbH,
Ich will doch nur, dass ihr mich liebt est, après Acht Stunden sind kein Tag, Welt am Draht, Martha et Angst vor der Angst, la cinquième collaboration de Fassbinder et du producteur Peter Märthesheimer.
Le scénario s’inspire d’un des témoignages de prisonniers rassemblés dans le recueil Lebenslänglich - Protokolle aus der Haft (A perpétuité - procès verbaux de détention), publié en 1972, et adopte la forme d’un retour en arrière retraçant l’histoire de Peter telle qu’il la raconte à une journaliste (ou une psychologue).
Les interruptions métadiégétiques (les retours au présent de la cellule) et les flashbacks (à l’intérieur du flashback) ne viennent pas troubler l’impression de linéarité implacable d’un récit qui débouche inéluctablement sur la reproduction parodique du meurtre du père déjà visualisé précédemment sous forme d’un rêve prémonitoire.
Car, dès les premières scènes où l’on voit Peter faisant visiter à ses parents la maison qu’il est en train de construire pour eux, il est évident qu’il est pris dans un engrenage affectif sans issue, s’enferrant de plus en plus dans une spirale infernale dont ne pourra le libérer que cet acte de transgression majeure.
Fassbinder, et c’est sa grande force, n’hésite jamais à mettre les points sur les i : impossible de ne pas comprendre que le jeune homme essaie désespérément d’acheter l’amour de ses parents qui ne cesseront jamais de le traiter, au mieux, avec une bienveillance condescendante.
Plus explicite encore est la scène visualisant un souvenir d’enfance particulièrement traumatisant : Peter offrant un bouquet de fleurs volées dans le jardin d’une voisine à sa mère totalement insensible à cette marque d’amour mais qui, une fois le délit révélé, s’efforcera, avec une froide détermination, de convaincre le père d’abord réticent de la nécessité de punir son fils et s’acharnera elle-même sur l’enfant en le frappant violemment avec un cintre.
Pourtant le film échappe à l’illustration démonstrative d’un discours préétabli par l’évidence même avec laquelle il énonce son propos, réalisant parfaitement le programme formulé par Fassbinder lui-même : Nous essayons de produire des images étranges, des images qui ne semblent pas étranges à première vue, mais qui, d’une certaine manière, provoquent une impression d’horreur après avoir été vues.
Et c’est bien l’horreur d’un monde où les valeurs de l’économie marchande ont été totalement intégrées dans les comportements que dépeint, avec une espèce de douceur glaçante, Je veux seulement que vous m’aimiez.
Car le regard de Fassbinder est certes cruel (la mère à laquelle l’impressionnante Erni Mangold donne une dimension terrifiante, la moue méprisante de la bijoutière à qui le héros achète le trop voyant bracelet en or), mais il a compris qu’en atténuant la charge il en renforcerait encore la violence : la plupart des gens qui entourent Peter (sa femme, la grand-mère de celle-ci, son contremaître et même le patron du chantier) sont extrêmement gentils avec lui et ne cherchent pas à profiter de sa faiblesse mais plutôt à l’aider.
Véritable manifeste d’esthétique frontale ce film bouleversant et admirablement interprété, en particulier par Vitus Zeplichal dans le rôle de Peter, méritait bien une restauration (superbe) et une sortie, même tardive, en salles.
Galerie Photos
Le choix du rédacteur
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.