Notre avis : Qui n’a jamais rêvé du coup de foudre, de rencontrer quelqu’un et de ne plus vouloir quitter cette personne, comme si elle était celle que nous avions toujours attendue et toujours aimée ? Ce sentiment en apparence enviable, c’est ce qu’a ressenti l’héroïne du roman de Loulou Robert, lorsqu’elle l’a vu la première fois, dans la queue des inscriptions de l’Université.
A cet instant, elle savait que c’était lui. Il lui est apparu comme une évidence qu’elle n’allait aimer que lui, toute sa vie. Elle fera donc tout pour se rapprocher de lui, en sortant avec son meilleur ami, en se teignant les cheveux afin d’évoquer, avec le plus grand réalisme, le physique de sa petite amie d’alors. Dès le début, l’héroïne sombre progressivement dans l’obsession.
Plus qu’une histoire d’amour, ce roman est en réalité la descente aux enfers d’une jeune femme qui va se perdre dans une folie amoureuse. Car si elle parvient à séduire l’homme dont elle est éprise, ses sentiments vont totalement la détruire, au point qu’elle nie sa propre existence, érigeant la vie de son compagnon en objet d’idolâtrie. Elle renie ses projets de devenir actrice, se cloître dans leur minuscule appartement parisien, passant ses journées seule à faire le ménage pour que, lorsqu’il rentre, tout soit parfait. Petit à petit, elle s’enferme dans cette relation toxique, ne voit plus que lui, s’éloigne du peu d’amis qu’elle avait. Comme si elle avait peur de vivre sa propre existence. Cette négation d’elle-même la conduira à l’internement, de son propre chef, comme une tentative désespérée de se libérer d’une emprise implacable. Si pendant un temps elle parviendra à se soustraire de cette sujétion toxique, elle finira par le retrouver. Ils se marieront, auront une fille. Puis, ils iront vivre à la campagne.
Ce roman, aux allures de journal intime, écrit à la première personne, nous introduit dans la psyché de cette femme, avec ses crises de folie, ses névroses, mais aussi son amour débordant. Tout est évoqué avec violence, rien ne semble l’apaiser.
Si d’abord le lecteur ne parvient pas à comprendre ce qui pousse cette jeune femme, puis cette femme, puis cette mère à agir de la sorte, au fur et à mesure du roman on saisit, par des phrases détournées, qu’un drame est arrivé dans son enfance, au point que ses parents sont comme morts pour elle.
L’immersion dans les arcanes de la folie n’est pas forcément l’exercice le plus aisé pour un lecteur, ou même pour un écrivain. Pourtant, Loulou Robert parvient à la perfection à retranscrire les émotions de son héroïne, et le lecteur ressent, par capillarité, toutes les souffrances, les névroses et les angoisses de cette femme. Grâce à son style haché, fait de phrases courtes, souvent incisive, le roman oscille constamment entre la douceur des moments de calme et la tempête des crises, qui infléchissent la forme même du roman et suscitent les intenses émotions du lecteur.