Le 18 novembre 2018
Kery James revient avec fracas, avec l’honnêteté corrosive qui le caractérise.
- Durée : 59mn
- Date de sortie : 16 novembre 2018
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Notre avis : Kery James traverse les époques, mais sait toujours marquer celles-ci. Celui qui a alimenté le rap parisien des années 90 peut se vanter d’être l’un des seuls de sa génération à avoir su traverser autant d’années de hip-hop, faites de temps forts, de creux et de réinventions. La désuétude, le rappeur l’a toujours esquivée par une production musicale régulière, un salaam tous les 2-3 ans, et surtout par une carrière jalonnée de classiques mettant en lumière chacun de ses nouveaux albums. Banlieusards est sorti il y a déjà 10 ans, mais Kery James ne s’est pas reposé sur ses lauriers tel un Ridley Scott marketé depuis 40 ans comme le papa des mêmes films cultes et continue encore d’actualiser sa liste de sons majeurs. Constat Amer en 2013, Racailles en 2016 et maintenant J’rap Encore, Amal et PDM dans une moindre mesure pour ce septième projet solo. Comme il le fait dans le très beau Amal, Kery James trouve de la justesse dans sa manière de réactualiser ses thèmes, son écriture, même parfois ses classiques, mais dans un soucis de rester dans l’ère du temps. Rien ne se perd, tout se transforme. Les années passent, mais Kery James continue d’aller puiser dans une matière inépuisable sa puissance et sa rage. Ses punchlines se nourrissent des aberrations actuelles de notre monde, des injustices et autres inégalités qui rongent certaines populations et personnes, quand elles n’occupent pas le sujet entier de morceaux rageurs et / ou émouvants. La verve ne le quitte pas, l’écriture reste acide, même si elle laisse échapper de rares signes de fatigue, comme ce jeu de mot démodé sur Trumper / tromper sur PDM, beaucoup trop forcé.
- Copyright : Yasmine Akkaz
Néanmoins, force est d’admettre que ce morceau assassin sur les Etats-Unis et sur son président actuel touche un sommet dans l’agressivité hardcore. La cible est facile certes, mais avec ce qu’il exprime Kery James ne pouvait tout simplement pas se rater. Son texte est une rafale en réponse à la stupidité d’un chef d’état et de son pays souvent hypocrite et moraliste, rafale en plus backée par le bien-nommé Kalash Criminel qui s’en donne à cœur joie de foutre le bordel sur le morceau.
L’affiliation avec notamment Fuck the Police de N.W.A. traverse l’esprit, et Kery James se revendique dans son introduction J’rap Encore d’être le dernier hardcore dans l’âme, lorgnant par moment vers la hargne du métal (celle de Body Count par exemple). Réglant ses comptes dès les premières minutes de l’album, le rappeur défonce à nouveau la porte du militantisme. Celui qui a toujours entretenu ce hip-hop âpre, brutal, taille sa route énervé et taille un sacré costard à toute l’industrie du rap. Indirectement, ce titre introductif annonce une couleur de ce nouveau projet, une sorte de promesse de la part de Kery James de ne pas produire la musique qu’il peut lui-même critiquer. Et si bien évidemment J’rap Encore (l’album) doit se diversifier, l’artiste semble se perdre un peu à trop souvent chercher l’actualisation. Ce qui peut lui permettre de conserver une visibilité importante même encore aujourd’hui lui cause parfois du tort lorsque cette ambition se retourne contre lui.
- Copyright : Trunksmagazine.com
Les featurings présents sur l’album manifestent une envie de nouer des liens avec la génération actuelle et ses auditeurs, occasionnant une fausse note avec la présence de Soolking et de son autotune dégueulasse sur Ça va Aller. Celui qui rejetait quelques tracks plus tôt le vocodeur, accueille ici à bras ouvert l’autotune pour un résultat qui, sans surprise, ne sied aucunement au style du rappeur, dans cette utilisation totalement abusive en tout cas (pas sûr que cela sied à qui que ce soit de toute manière). Si Kery James voulait rester dans la tendance, il en a aussi épousé les travers grâce à ce générateur de conjonctivite vide de sens (que l’on retrouve également un peu sur Stan Smith, morceau bien dispensable par ailleurs). Heureusement, Chilla, certes sous-exploitée sur Amal, apporte avec elle la modération nécessaire à l’emploi de cet outil, ici vecteur d’émotions pour le magnifique texte de Kery James, évoquant à raison la portée d’un Banlieusards. Même si elles pèsent lourd dans la balance, les choix artistico-marketings douteux ne représentent au final que des exceptions dans le projet. Sofiane, Oumar, Sam’s et Kalash Criminel s’intègrent parfaitement dans les bangers auxquels ils participent. L’album se montre généreux quand il s’agit de renverser le cerveau de son auditeur avec intelligence. Les basses cognent comme les punchlines incisives de l’auteur, à l’agressivité et clairvoyance toujours intactes. Et à en croire la conclusion de J’Rap Encore, Kery James, à l’instar de Youssoupha, n’est pas prêt de lâcher le micro. Au tour de Médine de nous parler du jour où il arrêtera le rap.
- Copyright : Suther Kane - 94 Side P / Bendo Music
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