Le 6 décembre 2024
- Réalisateur : Johanna Bros
- Acteur : Johanna Bros
- Plus d'informations : Le compte Instagram de Johanna Bros
Actrice solaire et lumineuse, désormais autrice-réalisatrice engagée et pleine d’avenir, Johanna Bros évoque ses convictions quant à la nécessité de raconter des histoires fortes et universelles.
Comment le cinéma est-il arrivé dans votre vie et quels sont les films qui vous ont impactée ?
Le cinéma a eu un impact très fort sur moi dès l’enfance. Un film comme The Truman Show m’a profondément marquée. Durant des années, à l’instar du personnage de Jim Carrey, j’avais peur de n’être entourée que de figurants et d’être filmée par des caméras cachées. Steven Spielberg, quant à lui, a nourri mon imaginaire avec des œuvres comme E.T., une féérie enfantine qui a marqué ma jeunesse. En grandissant, j’ai été influencée par le cinéma fantastique, avec des sagas comme Harry Potter et Le Seigneur des Anneaux, mais aussi des chefs-d’œuvre intemporels comme La Ligne verte, Les Évadés et Forrest Gump. À l’adolescence, j’ai découvert Pedro Almodóvar, qui filme les femmes avec une sensibilité unique. Le film que je peux regarder indéfiniment demeure Eternal Sushine of the Spotless Lind, que je trouve absolument brillant. À mes yeux, tout y est parfait : le scénario, les acteurs, la mise en scène. Aujourd’hui, je suis inspirée par le cinéma d’Albert Dupontel, qui propose un style burlesque, très libre, tout en abordant des sujets graves. Je suis également très influencée par des films comme Captain Fantastic, Into the Wild, Little Miss Sunshine ou, plus récemment, Goliath de Frédéric Tellier. Ces œuvres interrogent nos choix, le sens de la vie, et ouvrent des chemins de pensée différents et la notion de justice qui me tient aussi très à cœur. Plus récemment, j’ai découvert Le Quatrième mur, de David Oelhoffen, au Festival du Film Francophone d’Angoulême et j’ai été bouleversée tant l’histoire résonnait avec l’actualité des guerres mais aussi par rapport au message qu’elle véhiculait sur le théâtre et ce à quoi l’art peut contribuer, en réunissant les personnes au-delà des frontières et des différences. C’est un film qui nous ramène à notre humanité.
Et quels liens entretenez-vous avec les séries ou les courts métrages ?
Les séries permettent de se confronter à des univers plus vastes. On peut y aborder des sujets profonds et toucher d’autres publics. Je suis admirative de ce que peut proposer une chaîne comme Arte, avec des sujets de société, féministes, tout en laissant la possibilité à de jeunes talent d’émerger. Le court métrage offre quant à lui davantage de liberté artistique. Pour ma part, j’encourage toutes les personnes ayant une profonde envie de raconter des histoires à se lancer sans trop se poser de questions. Si l’on commence à trop réfléchir ou à rationaliser, on risque de ne jamais passer à l’action. Il faut rester connecté à son cœur, à sa sincérité, et à la nécessité de porter son sujet à l’écran, au pourquoi. C’est cette authenticité qui permet de tenir dans la durée, malgré les difficultés que l’on peut rencontrer pour monter un film. Et puis le fait de présenter une première œuvre en festival permet de rencontrer de nouveaux auteurs, réalisateurs, et de découvrir des œuvres venues du monde entier. C’est une expérience magique. Et par-dessus tout, cela offre l’occasion de confronter son film à un véritable public. Pas vos amis ou votre famille, qui auront tendance à dire que votre film est génial, mais un public impartial, direct et parfois tranché. Je trouve cela extrêmement formateur. Les festivals créent aussi des synergies incroyables. On se suit, on grandit ensemble, et surtout, on se sent moins seul.
- "Daleth". Photo fournie à notre rédaction par Johanna Bros. Tous droits réservés.
Vous êtes récemment devenue réalisatrice avec vos premiers courts métrages que nous allons évoquer. Mais avant cela, aujourd’hui, quelles typologies d’œuvres souhaitez-vous défendre en tant qu’autrice ?
Je souhaite m’inscrire dans le cinéma que défendent des réalisatrices comme Katell Quillévéré avec Réparer les vivants ou Jeanne Herry avec Je verrai toujours vos visages. Une œuvre impactante, humaniste, réconciliatrice, qui pose un regard, une réflexion sur un sujet complexe. J’aime l’idée de raconter la société, de faire se rencontrer des milieux sociaux, des univers différents, et d’essayer d’œuvrer pour une réconciliation des êtres et une meilleure compréhension du monde. J’ai envie d’avoir un impact positif sur les spectateurs avec les films que je fais. L’écriture et la réalisation doit avoir un sens pour moi. Nous avons une responsabilité en tant qu’artiste à travers les messages que nous délivrons. J’ai grandi avec les comédies romantiques où la plupart du temps le personnage féminin tombait amoureuse d’un « bad boy » et où le fait de dire « non » incitait un « oui » implicite. Malheureusement, ce type de représentation continue d’avoir un impact sur l’inconscient collectif. Même si nous essayons de déconstruire ces schémas aujourd’hui, le chemin reste encore long. En tant qu’auteurs, il est de notre responsabilité de contribuer à cette déconstruction en proposant d’autres types de récit et en offrant de nouvelles représentations des personnages féminins.
Pour en revenir à vos débuts de réalisatrice, tout a commencé avec votre court métrage Compost, particulièrement remarqué dans de nombreux festivals…
J’étais comédienne et cela me taraudait depuis un moment de raconter des histoires. C’est à ce moment que j’ai découvert le festival « Paris Courts Devant » où un concours était organisé. Il s’agissait de réaliser un film en une semaine, avec les équipes artistiques et techniques inscrites au concours. La thématique portait sur l’amour et l’écologie. Je me suis beaucoup interrogée sur ces deux thèmes et ce qu’ils signifiaient vraiment. Après quoi, j’ai pu écrire mon histoire en vingt-quatre heures. L’idée était de poser la question de ce que l’on est prêt à faire par amour, à travers une histoire où une famille doit organiser des funérailles singulières. J’ai gagné le concours et le film a glané des prix dans plusieurs festivals avant d’être acheté par OCS et Canal+. Des spectateurs m’ont fait savoir qu’en voyant ce court métrage, ils avaient changé leur testament. J’en ai pleuré. Personne ne parle de ce que nous voulons après notre mort car c’est encore tabou. Et pourtant, nous y allons tous. Je voulais aborder cette question avec humour et légèreté. Ce qui m’interroge aussi, c’est la disposition de notre corps après la mort. Aujourd’hui, nous n’avons pas le choix. C’est un enterrement ou une incinération. Mais une autre voie plus écologique est-elle possible ? Actuellement, nous ne sommes pas libres de disposer notre corps même après notre mort. C’est une problématique qui m’interpelle et m’interroge.
Quelles sensations avez-vous éprouvé en vous retrouvant soudainement à diriger un plateau de cinéma ?
Je me suis très vite sentie à ma place. Tout était très fluide. La mise en scène implique une personnalité de leader qui me correspond bien. Alors qu’en tant que comédienne, nous sommes au service des autres et de leur désir. En tant que metteur en scène, nous impulsons l’humeur du plateau. Et quel sentiment incroyable que d’écouter des comédiens jouer votre texte et de s’entourer d’artistes qui vous accompagnent dans la réalisation de votre rêve. C’est juste fou. Je suis toujours reconnaissante vis-à-vis des gens qui m’accompagnent dans mon désir de fiction. Après, c’est aussi l’avantage des courts métrages où, comme je l’ai dit précédemment, nous avons une liberté infinie. Un court métrage, c’est un geste spontané, presque innocent, qui vient du cœur. J’espère conserver cette innocence le plus longtemps possible.
- "L’audacieux". Photo fournie à notre rédaction par Johanna Bros. Tous droits réservés.
Après cela, deux autres courts métrages ont suivi. Tout d’abord, Daleth…
Le festival « Paris Courts Devant » m’a rappelée en plein confinement et m’a proposé de réaliser un court métrage sur le thème « Non essentiel » J’ai eu envie de rendre hommage au théâtre et à tout ce qu’il m’a apporté. C’était d’autant plus nécessaire que les salles de spectacles étaient fermées. J’avais envie d’évoquer le besoin qu’ont les artistes de nouer un lien avec leur public.
… L’audacieux a suivi.
C’était une commande de Campari. Je n’ai rien écrit, et me suis fais infiniment plaisir en me concentrant uniquement sur la mise en scène. Je voulais m’appuyer sur des cinéastes que j’admire, comme Charlie Chaplin, Buster Keaton ou Wes Anderson, en apportant une esthétique propre à celles des films burlesques des années 30. C’était une expérience challenge et formatrice.
Vous avez aussi remporté récemment le premier prix du concours d’Arte Radio avec votre podcast « Le jour où une coccinelle s’est posée sur la robe de ma mère ». Comment en êtes-vous arrivée à vous intéresser à ce format ?
Je suis très admirative de ce média. Là aussi, il offre une liberté incroyable et permet de se confronter à tant de sujets instructifs. Arte Radio a lancé un concours l’été dernier, intitulé « le jour où ». Le principe consistait à faire témoigner un enfant sur un événement qu’il a pu vivre. Le deuil est un thème qui m’intéresse. Tout comme la perception que peuvent avoir les enfants vis-à-vis de la mort. J’ai passé une annonce pour rencontrer des enfants ayant vécu le deuil d’un proche, ou même d’un animal. C’est ainsi que j’ai rencontré Idaya, j’ai immédiatement été touchée par sa personnalité et son récit de coccinelle. J’y ai vu quelque chose d’incroyablement émouvant, spirituel, poétique, lumineux. J’aime l’idée d’apporter de la lumière dans ces sujets apparemment sombres. J’ai reçu des messages de parents n’arrivant pas à parler du deuil avec leurs enfants mais qui le font désormais. D’autres personnes m’ont fait savoir qu’elles ne voient plus les coccinelles comme avant. C’est ce genre de message qui vient me rappeler pourquoi j’ai choisi ce métier et la nécessité de continuer de faire des films et de raconter des histoires. Les artistes ont besoin de tels encouragements car on ne va pas se mentir, c’est difficile de vivre de ce métier. Il faut tenir bon sur la longueur, conserver son énergie, son envie, sa foi. À l’heure des réseaux sociaux, où il y a tant de faux-semblants, il me semble nécessaire de revenir à davantage d’authenticité, à une meilleure connexion entre les êtres, à plus de lien et de collectif. C’est à mon sens ainsi que l’on change les choses.
Propos recueillis par Nicolas Colle
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