Historic fiction
Le 8 octobre 2014
Pour la première fois, le cinéaste ancre son sujet dans un contexte historique (la Seconde Guerre mondiale) qu’il dynamite pour l’incruster à son propre univers. Tarantino for ever.
- Réalisateur : Quentin Tarantino
- Acteurs : Brad Pitt, Diane Kruger, Daniel Brühl, Samuel L. Jackson, Mike Myers, August Diehl, Maggie Cheung, Mélanie Laurent, Léa Seydoux, Michael Fassbender, Til Schweiger, Denis Ménochet, Christoph Waltz, Eli Roth, Cloris Leachman, Julie Dreyfus, Rod Taylor
- Genre : Drame, Film de guerre
- Nationalité : Américain, Allemand
- Distributeur : Universal Pictures France
- Durée : 2h28mn
- Date télé : 30 mai 2024 21:00
- Chaîne : Paris Première
- Date de sortie : 19 août 2009
- Festival : Festival de Cannes 2009
Résumé : Dans la France occupée de 1940, Shosanna Dreyfus assiste à l’exécution de sa famille tombée entre les mains du colonel nazi Hans Landa. Elle s’échappe de justesse et s’enfuit à Paris où elle se construit une nouvelle identité en devenant exploitante d’une salle de cinéma. Quelque part ailleurs en Europe, le lieutenant Aldo Raine forme un groupe de soldats juifs américains pour mener des actions punitives particulièrement sanglantes contre les nazis. "Les bâtards", nom sous lequel leurs ennemis vont apprendre à les connaître, se joignent à l’actrice allemande et agent secret Bridget von Hammersmark pour tenter d’éliminer les hauts dignitaires du Troisième Reich. Leurs destins vont se jouer à l’entrée du cinéma où Shosanna est décidée à mettre à exécution une vengeance très personnelle...
Critique : On pouvait être sceptique face à l’incursion de Quentin Tarantino dans un récit ayant pour cadre la Seconde Guerre mondiale. On se doutait bien que son univers à la fois sophistiqué et trash ne se contenterait pas d’une Grande vadrouille à la sauce Grindhouse ou d’un vaudeville satirique à la To Be or Not to Be. Mais le cinéaste ne perdrait-il pas son âme dans une coproduction internationale en costumes, servie de surcroît par un casting hétéroclite et déconcertant, de Brad Pitt à Mélanie Laurent, de l’acteur de théâtre Christoph Waltz (qui décrochera le prix d’interprétation à Cannes), à Diane Kruger ?
- Copyright Universal Pictures France
Ces appréhensions n’étaient pas fondées. Inglourious Basterds est l’une des plus éclatantes réussites de Tarantino (mais peut-on hiérarchiser ses œuvres ?) et se laisse déguster avec délectation pendant ses 2h40 de projection. Le récit privilégie le dialogue (déjà culte !) aux effets de bravoure. Loin de la logorrhée verbale précédant les courses-poursuites du Boulevard de la mort, les propos et réparties tenus par les personnages constituent un modèle de texte de cinéma, et l’on se met déjà à rêver d’une adaptation théâtrale qui pourrait être entreprise dans quelques années : les échanges entre le Landa et le paysan français, entre Shosanna et son soupirant allemand, ou la discussion dans le bar entre les « Basterds », l’espionne et l’officier resteront autant gravés dans les mémoires que les délires de De Niro et Jackson dans Jackie Brown ou les règlements de compte des cambrioleurs de Reservoir Dogs. On sera particulièrement sensible à la manière dont Tarantino se moque des conventions de langage, à l’instar de la première séquence dans laquelle le colonel sournois propose au paysan un échange en anglais, son français n’était pas suffisamment performant, ou la manière dont l’un des « Basterds » est démasqué au moment de commander sa bière.
- Copyright Universal Pictures France
En même temps, l’auteur confirme qu’il n’est pas seulement un génial scénariste et conteur ; c’est aussi un monteur hors pair. Moins éclatée que la narration de Pulp Fiction ou Jackie Brown qui donnaient à voir la même action filmée sous plusieurs angles en fonction du point de vue du protagoniste, l’histoire d’Inglourious Basterds est en apparence seulement plus linéaire : la superposition des lieux géographiques (la campagne française, Berlin, Paris...) permet en fait au cinéaste de proposer un éclatant film à tiroirs, dont on ne sait pendant une heure qui sont véritablement les personnages principaux et quels en sont les enjeux, avant la reconstitution de la logique du puzzle narratif dans la dernière partie. En alternant les scènes longues et les brefs moments-clefs explicatifs et illustratifs (le scalp des officiers, la préparation de l’avant-première), le réalisateur fait preuve d’un sens étonnant de la mise en scène. Si d’aucuns seront heurtés par certains aspects du film qui lorgnent vers les frontières du politiquement incorrect (la barbarie en réponse à la barbarie, une représentation loufoque de Hitler, plus d’un demi-siècle après Le dictateur, une référence ambiguë à certaines personnalités controversées comme Leni Riefenstahl, et surtout une falsification culottée de l’Histoire), force est de reconnaître qu’elles s’inscrivent dans un second degré d’humour noir acerbe sans lequel l’ami Quentin ne serait jamais Tarantino.
– Festival de Cannes 2009 : Prix d’interprétation masculine pour Christoph Waltz
– Oscars 2010 : Meilleur acteur dans un second rôle pour Christoph Waltz
– National Board of Review, USA 2009 : Top Ten Films
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Tristan 31 mai 2009
Inglourious Basterds - Quentin Tarantino - critique
Une bonne critique, un peu plus réfléchie que d’autres depuis la projection de Cannes...surtout, une critique SANS SPOILER !
Je porte simplement à votre attention que le U dans IngloUrious n’est pas une faute de frappe (au même titre que le E de bastErds). La polémique sur le titre (Inglorious bastards-Inglourious Basterds) a bien eu lieu il y a presque un an ; Tarantino s’est plus ou moins expliqué sur le sujet. Après tout, puisqu’il s’arrange avec l’histoire, il a bien le droit de maltraiter un peu l’orthographe...
Avatar 20 août 2009
Inglourious Basterds - Quentin Tarantino - critique
Très bon Tarantino en effet, cette espèce d’iconolâtre cynique et farceur, décalé et maboul de ciné, reconnaissable entre tous au fumet particulier qui se dégage d’emblée de l’image. Une impression s’installe, quelque chose, un je-ne-sais-quoi exhale ou vibre au travers de l’écran : en cinq minutes et quelques répliques et plans a priori anodins - il suffit que l’épouse du paysan lève le drap sur l’étendage pour découvrir des motos - on sait que le film est bon - ou va l’être. On y trouve ensuite un hommage à la minute ou presque aux genres afférents, films de guerre, de braquage, spaghetti... Et malgré la déférence tarantinesque à l’endroit de ses illustres prédecesseurs, il n’y a pas plus anti académique, plus anti conformiste que cet artiste là...
Brad Pitt, en plus d’être excellent avec sa moustache, sa gomina, sa voix d’ORTF, son cuir aviateur et son jeu des 40’s surjoué est hilarant.
Tous les acteurs sont excellents d’ailleurs. Tarantino se fout des conventions, des règles, il bouscule tout, brouille les genre, réaménage la fiction à sa sauce avec, pourtant, un sens hors pair du récit et de la forme, cela malgré quelques remplissages. Un malaise cependant émane de ce brouillage généralisé des codes, vite dissipé car le projet ne souffre au fond aucune ambiguité : la liberté de ton prise avec toute véracité historique ou souci documentaire. Hiltler chez Tarantino ? comme le faisait remarquer la plume de Libération, ce type a-t-il été inventé par Chaplin, ou a-t-il vraiment existé ? On est de plain-pied dans la culture de l’écran, celle des jeunes, des quadras et quinquas élevés à la VHS, à la télé, ignorant sciemment le monde tel qu’il fut. Mais bon, c’est la vie.
Je n’appréhendais pas spécialement que Tarantino aborde ce genre. Je n’y pensais pas. Dialogues et scènes "cultes", pourquoi pas, le trivial pursuit avec le nazi, les faux italiens...
Avatar 20 août 2009
Inglourious Basterds - Quentin Tarantino - critique
zut, je voulais modifier mon avis, j’ai pas pu... Voilà : "comme le faisait remarquer la plume de Libération, P. Azoury : Hitler a-t-il été inventé par Chaplin dans le Dictateur, a-t-il vraiment existé ? On ici est de plain-pied dans la culture de l’écran, celle des jeunes, des quadras et quinquas élevés à la VHS, à la télé, et ignorant (sciemment) le monde tel qu’il fut."
Camille Lugan 22 août 2009
Inglourious Basterds - Quentin Tarantino - critique
Il y a indéniablement du bon et du divertissant (entre autres) dans cette collection de salopards, mais à la longue, il est un peu fatiguant de voir Tarantino explorer jusqu’à l’épuisement son mode de déclinaison favori, à savoir le recyclage parfois boursouflé de toutes les influences qu’il a pu recueillir dans les creux de son estomac cinéphilique... Jusqu’à menace bien réelle d’indigestion du spectateur.
’Boo’Radley 21 mars 2010
Inglourious Basterds - Quentin Tarantino - critique
Le Tarantino nouveau est arrivé. C’est une joviale falsification de la tragédie de 1940, d’une verve débordante, d’une exubérance parfois géniale, truffée de séquences d’anthologie et de clins d’oeil à l’Histoire (du cinéma). Son Yalta à lui, le cinéaste l’organise sous le haut patronage de Lubitsch, Hitchcock, Leone : étonnante digestion ! L’interprétation de ce film glorieux est remarquable (création inoubliable de l’autrichien Christoph Waltz en colonel SS polyglotte).