Le 1er avril 2015
Un Judas réhabilité dans un film intéressant bien qu’assez déroutant et qui repose sur plusieurs passages de l’Ancien Testament. Un ensemble de scènes mettant théâtralement en lumière la relation entre Jésus et Judas et tournées dans un splendide désert algérien.
- Réalisateur : Rabah Ameur-Zaimeche
- Acteurs : Rabah Ameur-Zaïmeche, Nabil Djedouan, Mohamed Aroussi
- Genre : Drame, Péplum
- Nationalité : Français
- Durée : 1h39mn
- Date de sortie : 8 avril 2015
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Un Judas réhabilité dans un film intéressant, parfois captivant bien qu’assez déroutant, qui repose sur plusieurs passages de l’Ancien Testament. Un ensemble de scènes mettant théâtralement en lumière la relation entre Jésus et Judas et tournées dans un splendide désert algérien.
L’argument : Après un long jeûne, Jésus rejoint les membres de sa communauté, soutenu par son disciple et intendant, Judas. Son enseignement sidère les foules et attire l’attention des grands prêtres et de l’autorité romaine.
Quand il chasse les marchands du Temple, Judas se révèle être le gardien des paroles du maître...
© potemkine
Notre avis : Judas Iscariote, douzième disciple de Jésus de Nazareth : traître ou héros ? Le personnage de Judas, sans grande consistance historique, a-t-il vendu pour trente deniers d’argent son maître et ami Jésus, comme nous le signifient de nombreux passages du Nouveau Testament, notamment l’Évangile selon Matthieu ? Cette thèse accréditée pendant des siècles par toutes les églises chrétiennes est devenu un dogme et s’en écarter est toujours faire preuve d’un comportement hérétique. Depuis quelques décennies – et notamment depuis la découverte en 1978 d’un codex copte apocryphe, datant du IIe siècle et édité en 2006 sous le titre d’Évangile selon Judas, on assiste parfois à une sorte de réhabilitation de Judas Iscariote. Jusqu’à faire de celui-ci une sorte de héros, fidèle parmi les fidèles de Jésus de Nazareth. C’est peut-être en se fondant sur ces faits nouveaux que le cinéaste franco-algérien Rabah Ameur-Zaïmeche a construit son film Histoire de Judas qui met en lumière, et souvent d’une façon décapante, le parcours de celui qu’il considère comme le disciple à avoir le mieux connu et compris Jésus.
Cinéaste atypique, producteur et acteur de ses œuvres, Rabah Ameur-Zaïmeche s’est fait remarquer avec ses quatre précédents longs métrages en recevant des prix dans de nombreux festivals et notamment le prix Jean-Vigo pour son précédent film, Les chants de Mandrin (2012). Le choix de mettre en scène le duo Judas et Jésus peut surprendre de la part de Zaïmeche, tant il semble éloigné des thèmes qu’il a jusqu’alors traités. En fait, le cinéaste évoque sa fascination pour le personnage de Jésus (et non pour le Christ) – et ce, dès son plus jeune âge –, ainsi que pour son plus fidèle compagnon Judas : « J’admirais le personnage de Jésus sans comprendre pourquoi il avait besoin d’un traître pour accomplir sa mission ».
Si la littérature et l’art pictural se sont emparés volontiers du personnage de Judas, le cinéma ne l’a guère fait – sinon pour en faire une figure secondaire du magnifique Évangile selon saint Matthieu de Pasolini (1964) et de médiocres péplums italiens. À un siècle d’intervalle, deux films toutefois ont fait de Judas le personnage principal : Le baiser de Judas, réalisé en France en 1908 avec le comédien de théâtre Mounet-Sully dans le rôle-titre, et Judas, tourné pour la télévision américaine (2004). Or, toutes ces œuvres sont très respectueuses de la version « officielle » mettant en scène ce traître de Judas. Rabah Ameur-Zaïmeche bouscule, non sans délectation, le dogme en contestant ardemment la traîtrise de Judas et son rôle dans la machination ourdie contre Jésus.
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Le film libre et dépouillé qu’est Histoire de Judas a été présenté à la 65e édition de la Berlinale (février 2015), où il a été récompensé par le Prix Œcuménique – tout comme en 2014 l’admirable Chemin de croix sur le fanatisme catholique. Dès les premières images, Rabah Ameur-Zaïmeche nous montre en Jésus un homme ordinaire, simple, doutant de faire au mieux pour ses prochains. Ce petit rabbin est en effet de plain-pied avec tout ce peuple de Judée, qu’il subjugue par ailleurs. Il déambule parmi sa communauté composée d’enfants aux visages merveilleux, de femmes souvent belles et toutes admiratives, de prêcheurs illuminés…Une communauté sous le joug de soldats romains aussi désemparés que cruels et qui, troublés par cet agitateur qu’est Jésus, n’ont qu’un mot d’ordre : « Quiconque qui se fait roi est l’ennemi de César. » – Jésus répétant pourtant inlassablement que son « royaume n’est pas de ce monde ». Rabah Ameur-Zaïmeche filme des scènes relatives à l’Ancien Testament : les marchands chassés du temple, l’épisode de la tentative de lapidation de la femme adultère, la souffrance de Judas lors de la crucification de Jésus. Mais surtout pas la trahison de Jésus par Judas ni les supposés miracles. Cet ensemble de scènes un peu éclatées, car sans grand lien logique, forme une sorte de représentation théâtrale dans le splendide désert algérien de la région de Biskra. On sent une grande économie de moyens, mais aussi le souci d’éviter les artifices des reconstitutions historiques.
Histoire de Judas donne une dimension profondément humaine à ses héros Judas et Jésus ainsi qu’aux fidèles qui entourent ce dernier, sans donner une vision caricaturale des soldats et dignitaires romains. Le film reste néanmoins inégal, avec quelques scènes captivantes comme celle avec le clochard prophète Carabas (épatant Mohammed Aroussi) ou celle du scribe « fan » de Jésus, voulant mentionner le moindre fait et geste du Messie – ce qui lui vaut des réactions violentes de Judas voulant protéger Jésus de toute dévotion fanatique. D’autres scènes sont moins convaincantes.
Dans l’ensemble, cette Histoire de Judas est un peu déroutante. Le regard posé sur Judas est davantage sur qu’il n’était pas plutôt que sur ce qu’il était. Rabah Ameur-Zaïmeche nous dit qu’il a voulu en faire un « acte plus poétique que politique ». Nous en prenons « acte ». Ce qui semble toutefois certain est que le cinéaste nous invite à nous méfier des paroles d’Évangile…
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