Le 4 novembre 2015
Ma cité va-t-elle craquer ?
- Réalisateur : Rabah Ameur-Zaimeche
- Acteurs : Rabah Ameur-Zaïmeche, Ahmed Hammoudi, Brahim Ameur-Zaïmeche
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Editeur vidéo : Potemkine, Agnès B. DVD
- Durée : 1h23mn
- Date de sortie : 30 avril 2002
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– Sortie DVD : 3 novembre 2015
Le premier film de Rabah Ameur-Zaïmeche posait les bases d’un univers engagé. C’est un film sur la banlieue qui déploie tous les archétypes du genre mais qui reste malgré tout troublant par la résonance qu’il peut avoir avec l’actualité. Rétrospectivement c’est aussi une oeuvre qui a le charme un peu naïf d’une révolte de jeunesse lorsqu’on la compare au dernier film de son auteur.
L’argument : Dans la Cité des Bosquets, en Seine-Saint-Denis, Kamel est de retour après avoir purgé une double peine de prison. Il tente, avec le soutien de sa famille, de se réinsérer dans le monde du travail. Mais il devient le témoin impuissant de la fracture sociale de son quartier.
- © Haut et Court
- © Haut et Court
Notre avis Quelques films sur la banlieue ont marqué. La haine (Mathieu Kassovitz) reste la référence la plus connue (un film qui a 20 ans !), mais on pourrait aussi citer L’esquive (Abdellatif Kechiche), La désintégration (Philippe Faucon), ou plus récemment Bande de filles (Céline Sciamma) et le controversé Dheepan (mais est-ce un film de banlieue ?). On en oublie évidemment. En 2001 Rabah Ameur-Zaïmeche livrait son premier film Wesh Wesh. Un autre film de banlieue. On apprend certes quelques petites choses. Kamel essaie de trouver du boulot après avoir purgé une double peine (quelques années de prison puis l’exil). Il galère parce qu’il n’a pas de papiers. Certes on a entendu parler de ce genre de jugement mais là ça prend un tour concret. Pour le reste, on navigue dans le déjà vu. Le petit frère deale, la mère pieuse est la spectatrice impuissante des trajectoires de ses enfants (comme dans le film de Faucon cité plus haut, mais il est vrai que Wesh Wesh est sorti 10 ans avant), les flics abusent et la situation dégénère (on retrouve un argument de La haine). Par contre il est intéressant de constater qu’on ne parlait pas encore d’Islam radical en 2001 (alors que le film de Faucon explore ce thème en 2012).
- © Haut et Court
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Le film est bien fait, on croit aux personnages, les images sont belles, un vrai sens de l’espace (la cité est un personnage à part entière) et on sent bien que tout ceci est sincère. En même temps, on a l’impression d’une vision assez étroite de la banlieue, comme si finalement toute forme de vie était condamnée d’avance. Certes c’est facile de juger quand on y habite pas, il est impossible de nier que ses situations existent, l’histoire traduit un sentiment général fort de la même manière que toutes les grandes tragédies ont toujours très bien parlé des passions humaines en renforçant la violence des sentiments. Mais on n’a jamais souligné qu’il y avait aussi dans l’approche tragique un certain goût artistique pour ce qui ne tourne pas rond (un lieu commun de la création artistique). Lorsque la vision exposée touche à une situation explosive, l’idée devient une lame à double tranchant. D’un côté les histoires pessimistes sur la banlieue nous alertent sur des situations préoccupantes. Des gens sont abandonnés par la société, ce qui peut générer certaines formes de désespoir ainsi que des actions extrêmes. Et il faut bien le dire : les politiques semblent s’en ficher royalement. Il y a donc une certaine nécessité de raconter ces histoires. Mais d’un autre côté ces histoires travaillent la conscience collective, elles ont un pouvoir qui peut s’avérer dangereux en alimentant l’idée du eux contre nous (l’idée des méchants policiers est de ce point de vue maladroite même si forcément ce type d’individu existe). Le film aurait ainsi gagner à diversifier son analyse psychologique pour éviter de renvoyer aux habitants des banlieues l’image de perpétuelles victimes. A partir du moment où on dit que rien n’est possible, la conséquence logique est que la seule réponse qui reste est la violence.
- © Haut et Court
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Mais après avoir dit ça, il faut bien saluer le parcours de Rabah Ameur-Zaïmeche qui a évolué depuis ce premier film. Il suffit de le comparer à son dernier film Histoire de Judas. Dans cette histoire de Jesus qui n’est pas du tout un film religieux, la révolte prend le visage de l’amour. C’est un film étrange, sans doute un peu bancal, mais sa douceur nous emporte. On ne peut pas le voir sans éprouver une forte sympathie pour son réalisateur acteur. Rabah Ameur-Zaïmeche jouait Kamel, personnage désespéré et révolté dans Wesh Wesh. Dans Histoire de Judas il joue Judas, le plus grand traître de l’histoire revu en disciple le plus fidèle qui ne pèche que par son impuissance à protéger un homme qui a donné un sens à sa vie. Ce Judas là nous touche et transforme le regard qu’on peut avoir sur l’acteur Rabah Ameur-Zaïmeche dans Wesh Wesh. Ainsi de film en film, depuis 15 ans, l’artiste a suivi un assez joli chemin et on a bien envie de le suivre dans ses futures pérégrinations.
LE TEST DVD
Edition assez soignée qui pèche un peu sur le son mais qui contient pas mal de bonus intéressants
Les suppléments :
Les suppléments prolongent parfaitement les thèmes du film. Le dialogue entre l’architecte Nicolas Michelin et Rabah Ameur-Zaïmeche (13mn38s) évoque un projet alternatif pour la cité des Bosquets, projet abandonné qui prévoyait de partir de l’existant pour donner une nouvelle vie à l’endroit. Il a été abandonné au profit d’un projet plus radical établi sans consultation des habitants. Où on touche du doigt le peu de cas qui est finalement fait des gens qui habitent les banlieues. Deux volets des suppléments s’attardent plus à l’aspect pénal évoqué par le film. Un entretien de 6mn10 avec Nordine Iznasni militant co-fondateur du Mouvement de l’immigration et des banlieues (MIB) permet de dénoncer l’absurdité de la double peine (dans sa version prévoyant l’interdiction du territoire pour les étrangers condamnés) s’appliquant à des jeunes souvent nés en France. Le DVD contient aussi le film documentaire de Bertrand et Nils Tavernier sur cette disposition légale (Histoire de vies brisées. Les double-peine de Lyon 1h40mn). En 2001, pendant plusieurs mois le père et le fils avaient suivi des grévistes de la faim protestant contre la menace d’explusion du territoire qui faisait suite à leurs peines d’emprisonnement. Enfin le DVD contient un entretien de 10mn20 avec Madj (du groupe Assassin) qui est le co-scénariste du film. Il revient sur la genèse du film et livre une analyse personnelle assez touchante.
L’image :
Du grain sur les plans lointains donnent une impression de flou, ainsi que sur les plans nocturnes mais ça n’est pas gênant. L’édition retranscrit bien les contrastes et la luminosité.
Le son :
La version proposé est le Dolby digital 2.0. d’époque. Rendu moyen : on ne comprend pas toujours les dialogues. Le film n’avait pas bénéficié d’un budget cossu en son temps. Ceci explique cela.
Galerie Photos
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