Dormir ailleurs (et à pas d’heure)
Le 7 juillet 2015
Cette nouvelle variation des motifs chers à Hong Sang-soo est une griserie mélancolique, joyeuse et désillusionnée.
- Réalisateur : Hong Sang-soo
- Acteurs : Moon So-ri, Ryō Kase, Yuhjung Youn (Youn Juhjung) , Eunchae JUNG (JUNG Eun-chae), Minwoo LEE (Lee Minwoo)
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Sud-coréen
- Durée : 1h06mn
- Titre original : 자유의 언덕 - Jayuui Eondeok
- Date de sortie : 8 juillet 2015
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– Présenté au 71e Festival de Venise dans la sélection Orizzonti
– Lauréat de plusieurs prix dont la Montgolfière d’or du meilleur film au Festival des trois Continents de Nantes 2014
– Sortie en Corée du Sud : 4 Septembre 2014
Cette nouvelle variation des motifs chers à Hong Sang-soo, cette fois autour d’un japonais désorienté en Corée, est une griserie mélancolique, joyeuse et désillusionnée.
L’argument : Mori, un japonais professeur de langue étrangère, arrive à Séoul à la recherche de Kwon, une coréenne qu’il a aimé quelques années plus tôt. Espérant la croiser, il s’installe dans une modeste chambre d’hôtes du paisible quartier de Bukchon où elle habite et se lie d’amitié avec la propriétaire, Gu-ok, et le neveu de celle-ci, Sangwon, criblé de dettes. Mori fréquente un café portant le nom japonais de Jiyugaoka de (La colline de liberté), pour y écrire une longue lettre à Kwon. La patronne du café, Young-sun lui fait des avances bien qu’elle ait déjà un petit ami.
Notre avis : Fidèle à lui-même, reprenant sans cesse les mêmes motifs tout en en dessinant de nouvelles et surprenantes variations, Hong Sangsoo s’amuse une fois de plus, dans ce nouvel Opus enjoué mais aussi particulièrement mélancolique, à déconcerter le spectateur (qui ne demande pas mieux) mais comme tranquillement, sans pourtant chercher à en imposer ni à démontrer quoi que ce soit.
Comme le protagoniste débarquant dans un environnement étranger, à la recherche d’une femme qui ne sait même pas qu’il est là, et obligé d’utiliser un anglais réduit au rang de sommaire outil de communication ou de choisir comme point d’ancrage un café au nom japonais (le Jiyugaoka de qui donne au film son titre énigmatique) nous sommes en effet délicieusement désorientés par un récit au point de vue indécidable qui nous est présenté dans le désordre et avec un mode d’emploi incomplet.
- Ryo Kase et Youn Yuhjung dans Jiyugaoka de / Hill of Freedom / Jayuui Eondeok - HONG Sangsoo 2014- Jeonwonsa Film Co. / Finecut / Les acacias
On comprend certes assez vite que l’enchaînement apparemment aléatoire des scènes est régi par la narration en voix off du protagoniste telle qu’elle est lue, après coup, par la femme à qui est adressée une longue lettre qu’elle fait tomber puis ramasse dans un escalier mais sans remettre les feuilles dans l’ordre et en en oubliant une sur les marches. Il y aura donc des trous (une bagarre évoquée mais pas vue à l’écran) et des interpolations : la patronne du bar remerciant par exemple avec effusion Mori de lui avoir ramené son chien avant qu’on qu’on ne voit la scène en question !
Mais cette explication rationnelle n’est qu’en partie satisfaisante et Mori, interrogé sur le livre qu’il est en train de lire (son titre : Le Temps - C’est au sujet ... du temps) et essayant d’en résumer le sujet, explique que le temps n’est pas perçu comme continu dans la réalité même si les schémas de pensée établis nous ont inculqués cette notion de linéarité temporelle (Très intéressant ! - Il faudra qu’on en reparle une autre fois, commente à peu-près Young-sun, la patronne du café, visiblement peu encline à suivre ces raisonnements mais de plus en plus attirée par celui qui les profère).
- Ryo Kase et Moon Sori dans Jiyugaoka de / Hill of Freedom / Jayuui Eondeok - HONG Sangsoo 2014- Jeonwonsa Film Co. / Finecut / Les acacias
Indécidable aussi, parce-que non soumise justement aux schémas et aux mécanismes dramatiques en vigueur, est la psychologie des personnages.
Celle de Mori surtout, cet étranger en état de vacance, dormant beaucoup (on tente de le réveiller à cinq heures de l’après-midi !), rêvant à deux reprise (la scène de retrouvailles démentie par la suite), quelque peu dépressif (les inévitables séquences de beuveries où on oublie toute retenue), passif (il prend son mal en patience sans même appeler à l’aide quand il se retrouve enfermé dans la salle de bain !) et déclarant pouvoir contempler très longuement une fleur ou un arbre ; aparaissant tantôt gentil, attentionné, à l’écoute des autres, pacifique, soucieux de calmer le jeu (lors de la dispute violente entre le trop sociable Sangwon et la jeune femme hystérique) au point de se faire traiter au passage de lâche (on ne saura pas par qui, le début de la scène manquant bien entendu à l’appel), tantôt hérissé, agressif, sur la défensive (avec son voisin du café), demandant vivement des comptes à sa logeuse qui refuse de lui servir le petit déjeuner après dix heures mais n’applique pas la règle pour tout le monde ou n’hésitant pas même à en découdre physiquement (on le félicite de sa combativité au cours de la bagarre qu’on n’a pas vue).
Hong Sang-Soo observe avec sympathie, sans méchanceté ni attendrissement facile, ce personnage ainsi que tous ceux qui croisent sa route et comme lui exposés parfois au ridicule et à la perplexité dans un film qui frôle l’absurde tranquillement, sans forcer le trait, et semble avancer de lui-même, sans se soumettre aux contraintes du vouloir dire, mû par une espèce de folie lucide, de griserie mélancolique à la fois joyeuse et désillusionnée.
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