Un Coréen à Paris
Le 14 juin 2020
Les déambulations solitaires d’un étranger pris entre le mal du pays et la jouissance d’une nouvelle vie. Un portrait d’homme saisissant par le maître coréen Hong Sangsoo.
- Réalisateur : Hong Sang-soo
- Acteurs : Kim Yeong-ho, Park Eun-hye, Hwang Su-jung, Lee Sun-kyun
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Sud-coréen
- Distributeur : Dulac Distribution
- Durée : 2h25mn
- Titre original : Bam gua Nat
- Date de sortie : 23 juillet 2008
- Festival : Festival de Berlin 2008
Résumé : Sung-nam, un jeune peintre coréen, doit, pour échapper à une arrestation fuir son pays. Il s’envole pour Paris et trouve refuge dans une pension du 14e arrondissement appartenant à un coréen. D’abord un peu perdu dans ce pays qui lui est inconnu, et souffrant de l’absence de sa femme, il traine dans les rues de Paris. Mais, il s’acclimate progressivement à la vie occidentale et fait la connaissance de deux jeunes Coréennes : Hyun-ju et sa colocataire Yu-jeong, une étudiante aux Beaux-arts. Au fil de l’été, il tombe de plus en plus amoureux de Yu-jeong et de Paris...
Critique : Rassurez-vous, malgré son titre, le dernier film de Hong Sangsoo n’est pas le remake asiatique du « chef-d’œuvre » de Bernard-Henri Lévy, Le jour et la nuit. C’est même le contraire du film intello pompier étouffant. En effet, la clé de l’œuvre du cinéaste sud-coréen est le rythme, nous pourrions même parler de souffle. Le film est ainsi découpé en plusieurs saynètes journalières qui impriment une respiration particulière. Des morceaux de vie qui pourraient être consignés dans un carnet de bord ou un journal intime, comme nous le laisse entendre la voix off du personnage principal, et qui décrivent à merveille la terrible solitude d’un homme loin de ses racines, de sa famille et de sa femme qu’il ne peut joindre que la nuit (car il fait jour chez elle, d’où le titre et l’idée de départ). C’est un personnage « décalé » dans tous les sens du terme, un oiseau tombé de son nid, qui doit recommencer une vie, réapprendre à vivre et revenir aux origines. D’où cet attrait premier pour la Bible, cette fascination devant le célèbre tableau de Courbet « L’origine du monde » (c’est d’ailleurs l’affiche du film) et un désir retrouvé envers... les étudiantes ! Cet homme, d’abord chaste et caricaturalement fidèle, va peu à peu succomber à une jeune femme corruptrice, en faire le réceptacle de ses désirs frustrés puis exaucés, et finalement se perdre en elle en oubliant son identité. Il ressemble finalement à ce qu’il aime peindre, les nuages. Comme eux il paraît solide de l’extérieur (les bras de fer pour se donner une certaine constance) mais si l’on y regarde de plus près, il est vaporeux, fragile et inconstant comme une volute de fumée.
La cigarette, justement, est avec l’alcool l’illustration de l’évolution du désir sexuel du personnage. Au début du film, Sung-nam fume comme un pompier dans tous les plans, comme un délire de nicotine solitaire donc symboliquement onaniste. Puis viennent les femmes, et les cigarettes laissent place à l’alcool et l’ivresse, plus propice au « partage ». D’ailleurs, lorsqu’une femme se refuse à lui, elle lui propose une cigarette ! Cela pourrait passer pour des détails mais ce sont au contraire les deux carburants essentiels d’un personnage en proie au doute et à l’isolement.
Cette superbe errance est filmée de manière remarquable, très épurée, avec notamment beaucoup de plans fixes et quelques panoramiques jouant de façon ingénieuse avec le hors-champ. Mais la principale qualité de Hong Sangsoo, c’est qu’il prend son temps, qu’il laisse vivre ses plans et permet à son petit théâtre de se développer, favorisant ainsi une meilleure appréhension du temps qui passe et de la tempête qui éclate peu à peu dans le crâne du protagoniste. Hong Sangsoo est bien le digne héritier de notre Nouvelle Vague. A suivre dans Woman on the beach qui sort le mois prochain.
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Norman06 29 avril 2009
Night and Day - Hong Sang-soo - critique
Hong Sang-soo n’a jamais retrouvé le souffle de la trilogie qui nous la révélé mais ce conte coréen et parisien ne manque ni de charme ni de finesse, en dépit d’un petit quart d’heure de trop. Plus qu’à Rohmer, auquel on l’a comparé pour ce film, le cinéaste est ici dans la lignée d’un Truffaut, les hésitations sentimentales du personnage faisant écho à celles d’Antoine Doinel.