Le 10 novembre 2018
Un bel objet arty, audacieux et fidèle au style sec de Claire Denis, mais trop détaché et dépourvu d’émotion pour convaincre pleinement.


- Réalisateur : Claire Denis
- Acteurs : Juliette Binoche, André Benjamin, Victor Banerjee, Robert Pattinson, Lars Eidinger, Agata Buzek, Mia Goth, Claire Tran
- Genre : Science-fiction
- Nationalité : Britannique, Français, Allemand, Polonais
- Distributeur : Wild Bunch Distribution
- Durée : 1h51mn
- Date télé : 25 mars 2023 21:00
- Chaîne : OCS Choc
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement
- Date de sortie : 7 novembre 2018

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Résumé : Un groupe de criminels condamnés à mort accepte de commuer leur peine et de devenir les cobayes d’une mission spatiale en dehors du système solaire. Une mission hors norme...
Critique : Claire Denis aime les défis et les projets hors des sentiers battus. Bien qu’elle s’en défende, High Life est bien un film de science-fiction. Mais de l’auteure de Beau travail, il ne faut pas s’attendre à un blockbuster de prestige de la trempe de Gravity ou Interstellar, et pas seulement en raison des différences de budget. Tout au plus peut-on établir des correspondances entre la réflexion métaphysique du film et la veine de 2001 ou Solaris : une méditation sur les limites de la science, le libre arbitre de l’homme ou le vertige occasionné par l’espace-temps. Là encore, la comparaison ne doit guère donner illusion, et pas uniquement parce que Claire Denis n’est ni Kubrick, ni Tarkovski… Coécrit avec Jean-Paul Fargeau, le scénario scrute un univers carcéral en huis clos. La prison prend ici les apparences d’une navette spatiale dans laquelle sont enfermés des personnages peu rassurants, à commencer par l’inquiétante doctoresse Dibs (Juliette Binoche), aussi sèche et névrosée qu’Isabelle Huppert dans La Pianiste, guère plus bienveillante que le chirurgien campé par Pierre Brasseur dans Les Yeux sans visage.
- Copyright Wild Bunch Distribution
Se livrant à des expériences pour le compte de sa hiérarchie, elle administre diverses substances à Tcherny, Nansen ou Chandra, tout en prélevant le sperme des mâles de l’équipage, dont Monte (Robert Pattinson), un trentenaire torturé que les premières séquences montrent aux côtés d’une petite fille. « L’Enfer, c’est les autres » : une atmosphère de suspicion se distille dans la navette. La haine est surtout dirigée à l’encontre de Dibs, mais les relations ne sont guère plus sereines au sein du reste du groupuscule, le rare instant de solidarité ayant lieu lorsque l’un des protagonistes commet une tentative de viol. Claire Denis opte pour des dialogues elliptiques et un style distancié, qui font vite glisser son film sur la pente d’un cinéma austère et sans concessions, ne cherchant aucunement à caresser le public dans le sens du poil. « Je n’avais pas en tête des films de science-fiction récents, que je trouve (…) un peu trop policés, avec des Ken et des Barbie flottant en apesanteur dans des vaisseaux spatiaux profilés comme des jouets pour enfants », précise la réalisatrice dans le dossier de presse.
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Au crédit du film, on louera la sobre allure des décors, simples et dépouillés, sans les habituels accessoires du genre (pistolets laser, désintégrateur). Et un subtil travail sur le décalage temporel permet une lecture à plusieurs niveaux, sans brouiller inutilement la narration. Mais le métrage pourra aussi paraître artificiel, trop cérébral et manquant d’émotions, une limite qui était déjà celle du cinéma de Claire Denis quand elle avait abordé d’autres genres : le polar dans Les Salauds, ou la comédie romantique avec Un beau soleil intérieur. Dans un registre plus décalé et léger, il est permis de préférer le méconnu Cosmodrama de Philippe Fernandez. Les acteurs, eux, s’en sortent indemnes : réunis pour la seconde fois à l’écran après Cosmopolis de Cronenberg, Robert Pattinson et Juliette Binoche confirment leur capacité à se mouvoir dans des projets audacieux, loin des modes et des conventions.
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