Universal Vice
Le 18 mars 2015
Hacker est autant un maillon qui vient clore un diptyque amorcé avec Miami Vice, qu’une pierre complémentaire édifiant une filmographie à la cohérence implacable.
- Réalisateur : Michael Mann
- Acteurs : Viola Davis, Tang Wei, Chris Hemsworth, William Mapother, Lee-Hom Wang, Holt McCallany
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Action, Thriller
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Universal Pictures France
- Durée : 2h13mn
- Date télé : 17 mars 2023 23:25
- Chaîne : France 3
- Titre original : Blackhat
- Date de sortie : 18 mars 2015
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Résumé : un détenu en permission et ses associés américains et chinois veulent traquer et démanteler un puissant réseau de cybercriminalité internationale, de Chicago et Los Angeles à Hong Kong et Jakarta.
Critique : Les critiques qui savent apprécier la filmographie de Michael Mann à sa juste valeur ont décelé très rapidement la spécificité du cinéaste : travailler un maximum de genres (policier, thriller, biopic, fantastique, film historique etc.) en maintenant toujours une cohérence thématique, quasi obsessionnelle, alliée à un sens profond du dévoilement du médium cinéma. Un médium en perpétuelle évolution qui justifie la réflexion sur le passage de l’argentique au numérique dont Miami Vice était le point d’orgue. Dans l’incroyable Révélations, la puissance des réseaux était d’une importance primordiale ; dans Blackhat, elle culmine via une symbolique puissante dès l’ouverture. Notre planète vue du ciel n’a plus l’apparence d’un amoncellement de terres et d’étendues d’eau, elle ressemble à une sphère intégralement connectée et peuplée de signaux numériques antinomiques à l’Humain. Dans cette dix-neuvième réalisation de Mann, il est d’ailleurs régulièrement question d’opposition entre intime et collectif, exclusif et général. Les premiers moments, dévoilant le quotidien de Hathaway en prison, sont autant de belles séquences jouant forcément sur la subjectivité d’un personnage amorçant le pessimisme bien connu du réalisateur. La recherche d’abstraction du monde carcéral dépeinte ne peut qu’être temporaire, les ruptures de point d’écoute subjectif singeant ici l’impossibilité de se plonger dans un univers musical personnel que "l’autre" vient rompre.
- © Universal Pictures International France
En ne perdant jamais de vue cet état de fait voulant que ce qui a été précédemment prédit est atteint, Michael Mann jalonne son film de clins d’œil à ses précédentes réalisations. Ces allusions, privilégiant l’abnégation au détriment du nombrilisme, ambitionnent un dessein à l’évidente conclusion : le monde actuel n’a plus grand-chose à voir avec le contexte diégétique du Solitaire, dont certains protagonistes étaient déjà les reliques d’un monde passé. Tout y passe, de la plongée carcérale digne de Comme un homme libre, à l’insoumission face aux autorités d’Ali, en passant par l’analyse des réseaux de grande criminalité de Heat ou Collateral ! La scène où Nicolas Hathaway résume son passé à son amante est en ce sens très proche de la version de James Caan dans Le Solitaire. Par ce rappel incessant au passé, le metteur en scène souligne le basculement dans une nouvelle ère. Il affirmait déjà que Miami Vice symbolisait un "Nouveau Casablanca ou tout s’achète". Cette sensation accentuée de dépassement d’une frontière rappelle une pensée de Marc Ferro résumant le cinéma de Mann dans son ensemble : "Visconti exprime son désenchantement devant les avancées du progrès, [...] Tarkovski est plus pessimiste encore sur l’avenir de l’homme. Chez ces cinéastes, l’objet traité à moins d’importance que le statut qu’on lui attribue". Et c’est exactement ce qui prend forme à l’écran dans Hacker, un message pessimiste sur l’avenir de l’humain dont l’effacement inonde autant le fond que la forme.
- © Universal Pictures International France
Curieusement, l’univers numérique est aussi ce qui symbolise les bien maigres défauts de ce Blackhat. Car s’il est de notoriété publique que Michael Mann est devenu une mine de connaissances en méthodologies criminelles et policières (afin de peaufiner son sens maniaque du détail propre à ses univers diégétiques), il en va différemment pour le milieu de la cybercriminalité. On sent par moment que l’auteur ne maîtrise peut-être pas pleinement le sujet et décide à ces instants de s’en remettre au débutant Morgan Davis Foehl. Effectivement, quelques nœuds narratifs sont plus artificiels que dans Heat, réalisation où le moindre détail du canevas était tellement précis que le film était de l’ordre de la chronique du réel. Mais alors que la trame perd de temps à autre sa vraisemblance scénaristique, le film gagne en fulgurances stylistiques, visuelles et esthétiques.
- © Universal Pictures International France
Car en dépit des quelques irrégularités du scénario, finalement dérisoires, la mise en image, cohérente, somptueuse, mais surtout introspective, élève largement le spectacle au dessus de ce que l’on voit dans le genre depuis bien longtemps ! On a presque l’impression d’assister à un trépident 24 heures chrono shooté par un auteur (au sens noble du terme). La mise en valeur du romantisme des paysages urbains, la célérité envers l’être aimé, la captation des univers nocturnes, le montage resserré par des récurrences auteurisantes, l’alternance entre le style documentaire et la fluidité du mouvement : tout le talent de Michael Mann est ici à l’œuvre avec, en plus, quelques nouveautés. Car en dehors de son analyse habituelle sur la violence (le travail sur les ralentis est à la lisière de l’expérimental, il transpose plus que jamais le réel... les scènes de fusillades, harassantes, font une fois de plus école), c’est son résultat qui intéresse Michael Mann ! Les américains ont boudé le film. Il reste sur leur territoire un véritable flop attribuable, entre autres, au succès fulgurant d’American Sniper de Eastwood. Quand on voit avec quelle ardeur, du haut de ses soixante douze ans, Mann supplante la concurrence en bouclant son film sur une pointe pessimiste relatives aux institutions étatiques illusoirement structurées, on se rangera sans hésiter du côté des ardents défenseurs. Pour ceux conscients du potentiel très cérébral du projet, Michael Mann is still the Man !
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