Le 9 février 2024
De retour, Michael Mann surprend tant son Ferrari patine, lui qu’on ne savait pas capable d’aussi peu d’âme et de finesse.
- Réalisateur : Michael Mann
- Acteurs : Penélope Cruz, Patrick Dempsey, Jack O’Connell, Sarah Gadon, Shailene Woodley, Adam Driver
- Genre : Drame, Biopic, Film de sport
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Amazon Prime Video
- Durée : 2h10mn
- VOD : Prime Video
- Date de sortie : 8 mars 2024
- Festival : Festival de Venise 2023
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– Sortie VOD : 8 mars 2024
Résumé : À l’été 1957, Enzo Ferrari voit sa double vie menacer de s’exposer au grand jour, et constate que son entreprise de fabrication de voiture bat de l’aile. Le voilà qui fonce la prestigieuse course Mille Miglia, où il prouvera le prestige de son nom et de ses fabrications.
Critique : C’est l’affaire d’une demi-seconde, sorte de virgule dans un film qui, jusque-là, file sans convaincre ni repousser. Une étincelle qui réveille, une audace qui défie le bon goût, et turlupine pour le reste de la séance. Un effet visuel qui flirte entre l’intention de réalisation, génie méta et le raté pur et simple. Symbolique et potentiellement cruel pour Mann puisqu’il dépeint l’accident d’un pilote au volant d’une Ferrari. Le rendu semble résulter des moulinages d’ordinateurs fumants en bout de course. L’absence générale de second degré de l’œuvre n’autorise pas à plaider complètement pour un effet volontaire. On pourrait toutefois arguer qu’il s’agit là d’exprimer le sort des pilotes de l’époque, pantins sans considération ni prise sur le réel. Il agit en tout cas comme un déclic, et a le mérite d’extraire le spectateur de la torpeur qui guette.
- © 2024 Neon Rated. ALL RIGHTS RESERVED.
Cette incongruité visuelle – qui se répète en fin de long-métrage pour un nouvel accident -, somme toute anecdotique et interprétable dans un sens comme dans l’autre, cache en revanche un, voire des problèmes de fond. Tout d’abord, Ferrari est un cas d’école de mise à l’épreuve du célèbre principe de suspension d’incrédulité. Les prestations des acteurs, guère embarrassés de subtilité, sont entachées par des accents italiens forcés plus que de raison. Changer d’idiome est le lot de toute production américaine qui s’attèle à raconter des faits qui devraient se dérouler dans une autre langue. Ce qui est contestable ici n’est donc pas la démarche de présenter Adam Driver et Penélope Cruz comme de purs produits transalpins. Le regret provient de ces prononciations caricaturales qui émanent des deux acteurs à la réputation inversement proportionnelle à la chaleur qu’ils dégagent ici. Alors que leur association promettait des étincelles, les voilà engoncés dans une forme d’austérité qui rivalise seulement avec celle d’une photo qui présente peu d’éclat. Leur phrasé est englué dans les « r » roulés et les « signore » intempestifs, la musique des dialogues ne coule pas, et leur corps ne fait qu’occuper l’espace.
Par-delà ces inconvenances linguistiques, pardonnables et d’ailleurs automatiquement camouflées en version française, et la froideur du jeu des comédiens, s’en nichent d’autres moins entendables. Le scénario de Troy Kennedy Martin et Brock Yates alterne le pilote automatique, les longueurs sentimentalistes et les lourdeurs, comme lorsque l’accident susmentionné permet par miracle de débloquer le récit.
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La mise en scène, jugée au pedigree de son auteur, déçoit également, aussi froide que ses protagonistes, sans qu’elle soit contrebalancée par l’habituelle élégance de Mann. Loin de friser l’indigence, elle peine toutefois à restituer la nervosité des scènes de courses – la leçon de James Mangold dans Le Mans 66, produit par Mann lui-même, est cinglante – et n’arrive pas à donner du relief à l’ensemble. La direction artistique ne saurait elle souffrir d’aucun reproche formulé avec honnêteté, sinon qu’elle laisse entrevoir le grand film d’inspiration mafieuse que Ferrari aurait dû être, entre secrets de famille, course folle à la réputation et manipulations médiatiques.
Sans énergie, Ferrari illustre l’idée que quand un film traîne dans les tiroirs trop longtemps - Mann souhaite faire le film depuis vingt ans, et avait engagé la production avec Christian Bale dans le rôle-titre en 2015 -, forcer le destin s’avère aussi risqué que prendre un volant de course en 1957 : on n’est pas sûr de gagner et on a de grandes chances d’y laisser quelques plumes.
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