Révélations - Michael Mann - critique

Critique : En 1999, Révélations de Michael Mann porte déjà en lui les prémices de ce que sera le cinéma engagé post-11 Septembre : la paranoïa collective, les complots et les théories du mensonge. Avec cette histoire de santé publique tirée de faits réels - un scientifique viré de son poste chez le troisième plus gros fabricant de tabac au monde, veut faire éclater la vérité sur les méfaits de la nicotine avec l’aide d’un journaliste d’investigation -, Mann s’attaque à un lobby puissant, avec courage et efficacité.

© Gaumont Buena Vista International (GBVI)

Le cinéaste signe alors un métrage serré, magnifiquement enveloppé dans une mise en scène cadrée et précise. Filmé comme un thriller à rebondissements, et interprété par des acteurs aussi monumentaux qu’Al Pacino et Russel Crowe, Révélations suit la plongée en enfer de combattants pour la santé publique contre les mensonges de l’industrie du tabac. La subtilité de Michael Mann est certainement d’avoir su filmer ses deux principaux protagonistes dans un cadre a priori banal, où l’amour du foyer éclate sous la pression et la peur des menaces. Jouant à la fois des craintes et des tourments des deux personnages, le scénario avance subtilement, à pas doux, au rythme d’une tension croissante, jusqu’à l’imprévisible qui mélange la vérité du scandale, les libertés d’expression et les désirs mercantiles des dirigeants. Pendant 2h30, le film, d’une grande noblesse politique et sociale, sans chercher à esthétiser, comme souvent chez son auteur, égratigne les systèmes de l’époque. Michael Mann fait de cette folle histoire un sombre panthéon des écarts politiques impardonnables qui dominèrent l’ère de Bill Clinton, et, inconsciemment, anticipe l’un des grands drames du début du XXIe siècle.

© Gaumont Buena Vista International (GBVI)

Réflexion riche et lucide sur les arcanes du pouvoir qui dépasse largement son seul sujet (l’industrie du tabac) , Révélations est une radiographie passionnante et pointilleuse de l’Amérique déréglée de la fin du siècle dernier, une œuvre majeure dans la filmographie de son auteur, mais également dans la cinématographie américaine de son époque.