Original swing
Le 21 mai 2003
Le compositeur électronique iconoclaste s’attaque aujourd’hui au jazz orchestral sans révérence mais avec respect.
- Artiste : The Matthew Herbert Big Band
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Malgré un titre empreint d’une nostalgie amusée, Goodbye Swingtime est un disque de jazz tout à fait moderne et euphorisant. Après avoir redonné des couleurs à la house, Herbert ravive aujourd’hui le ton sépia du jazz orchestral.
Tel un metteur en scène de cinéma, Matthew Herbert aime à visiter des univers toujours différents, s’imposant puis déjouant des codes préétablis. Mais quels que soient ces univers, on reconnaît invariablement la patte du grand faiseur qu’il est. Depuis ses débuts en 1995, Herbert a fait dix fois le tour de la house. Vite lassé, il s’est au fur et à mesure des années imposé des règles de composition de plus en plus strictes. Là encore, la comparaison cinématographique tient la route, puisqu’il dit s’être inspiré du Dogme danois de Von Trier & Co pour coucher sur papier une charte musicale similaire, s’obligeant par exemple à n’utiliser que des samples de sons qu’il a lui-même captés et provenant d’une seule source thématique. Ainsi, après avoir produit des disques ne comportant que des sons ménagers et domestiques (la vraie "house" musique, selon lui), il publiait en 2001 un superbe album électronique entièrement fait de sons provenant du corps humain (Bodily Functions). Ajoutez à cela son sens inné de l’arrangement et de la mélodie (il fut pianiste dans un orchestre de jazz dès 14 ans), et rien d’étonnant à le voir aujourd’hui aux commandes d’un projet tel que le Matthew Herbert Big Band.
Epaulé par l’arrangeur et chef d’orchestre Peter Wraithe, Herbert supervise un ensemble de 40 musiciens et chanteurs (dont Arto Lindsay et la sublime Dani Siciliano, collaboratrice de longue date) qui jouent ses compositions. Durant les sessions d’enregistrement, Herbert capte des samples qu’il mêlera ensuite au mixage final pour donner naissance à un jazz curieusement tonique et décalé, où de discrets détails électroniques viennent raviver les couleurs parfois un peu sépia des cuivres. Fiction ou Misprints se distinguent ainsi par leur intrigante beauté : sur un groove jazzy régulièrement coupé et renforcé par des micro-samples, une mélodie développe un swing renvoyant immanquablement aux comédies musicales hollywoodiennes (Herbert dit d’ailleurs avoir a-do-ré Cabaret). Mais la musique du bonhomme n’a pas toujours besoin de ces atours de magicien de studio : le disque se révèle petit à petit à l’auditeur intrigué, qui oublie vite de scruter les inserts électroniques pour simplement se laisser glisser dans ce jazz opulent et sensuel.
Mine de pas grand chose, Matthew Herbert est en train de construire une véritable oeuvre, bien plus cohérente qu’il n’y paraît de prime abord, déjouant de manière particulièrement perverse et jouissive les codes de n’importe quel genre. D’ailleurs, il administre en ce moment sa potion magique à un disque de r’n’b, et enchaînera avec une comédie musicale. Vous avez dit iconoclaste ?
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