Repas de famille
Le 18 février 2003
L’enfant chéri de Queensbridge revient avec un album percutant
- Artiste : NAS
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Lorsque l’on observe d’un œil extérieur la querelle de clochers entre les deux chapelles hip-hop de Nas et de Jay-Z, on se demande bien pourquoi on devrait choisir entre deux plats aussi riches que complémentaires.
Alors que Jay-Z nous invitait il y a quelques semaines à un énorme festin, où l’impressionnante guest list n’avait d’équivalent que la longueur de son jet privé, Nas décide, lui, pour son sixième album, de nous convier à un repas de famille certes solennel mais néanmoins détendu.
On y croise ainsi pêle-mêle son père (le trompettiste Olu Dara) sur l’apaisé Dance et sa fiancée Kelis sur un Hey Nas ironique. Son cousin éloigné et blanc-bec Eminem produit The Cross, manifeste hip-hop sur lequel Nas déclare porter la croix du rap américain et qui lance réellement l’album (avant le single coup-de-poing Made You Look). Après s’être auto-désigné Last Real Nigga Alive (prend ça, Jigga), Nas nous fait partager les expérimentations de l’étonnant et inquiétant Zone Out. Il nous plonge ainsi dans des ambiances plus sombres, d’autant qu’il rend ensuite hommage à sa mère récemment décédée sur les somptueux deux derniers titres de l’album, Dance et Heaven.
Le fantôme de maman Nas paraît d’ailleurs planer sur l’ensemble du disque et permet de comprendre le virage important que le rappeur de Queensbridge semble prendre ici. Il revendique, dans un même élan, sa place au sommet de la hiérarchie hip-hop et son rôle de modèle. Comme l’attestent les morceaux I Can (où Nas s’adresse directement à ses petits frères et sœurs du ghetto), The Cross encore une fois, ou la sublime sucrerie acoustique Thugz Mansion, durant laquelle un autre fantôme vient faire une apparition, puisque 2pac pose ici son flow.
Alors, même si l’on ne retrouve peut-être pas la fougue lyrique d’Illmatic (1994), God’s Son s’inscrit tout de même dans la lignée qualitative de Stillmatic (2001) du point de vue musical, tout en réussissant à se renouveler dans le ton adopté et les thèmes abordés. Ce qui laisse augurer d’un prochain round décisif entre Nas et Jay-Z, celui-ci ayant d’ores et déjà annoncé que son prochain disque, The Black Album, serait son dernier. En 1965, le fan de rock, écartelé entre Beatles et Stones, était peut-être dans l’obligation de prendre parti, mais aujourd’hui l’amateur de hip-hop a le devoir de se goinfrer et de se délecter à la fois de The Blueprint II et de God’s Son.
NAS - God’s Son (Colombia/Sony)
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