Le 7 octobre 2020
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A l’occasion d’une exposition à l’Orangerie, Paolo Baldacci nous explique dans son catalogue cet art qui serait au-delà de la physique, cet art qui serait en quelque sorte idéal et dématérialisé, l’art du peintre grec Giorgio de Chirico.
Résumé : L’exposition Giorgio de Chirico. La peinture métaphysique au musée de l’Orangerie, du 16 septembre au 14 décembre 2020, retrace le parcours et les influences artistiques et philosophiques qui ont nourri l’artiste Giorgio de Chirico de Munich à Turin, puis à Paris où il découvre les avant-gardes picturales de son temps et enfin à Ferrare. De manière inédite, seront mis en lumière les liens du peintre, découvert par Apollinaire puis soutenu par le marchand Paul Guillaume, avec les cercles culturels et littéraires parisiens. Né en Grèce et formé dans le creuset de la culture classique et du romantisme allemand tardif, De Chirico développe les fondements d’une nouvelle conception artistique aux côtés de son frère cadet Alberto Savinio. Elève à l’Académie des Beaux-Arts de Munich à partir de 1908, il découvre la pensée de Nietzsche et Schopenhauer ainsi que les oeuvres de Böcklin et de Klinger. Après un passage à Milan puis Florence, c’est cependant depuis la France, à Paris dès l’automne 1911, qu’il met en place un vocabulaire plastique singulier au contact des révolutions picturales modernistes. Il est très vite remarqué par certaines personnalités artistiques de son temps. Guillaume Apollinaire, Maurice Raynal et André Salmon, mais aussi André Breton, Paul Éluard, Jean Paulhan, sont parmi les premiers à s’intéresser à son œuvre et à la promouvoir.
Critique : Heureusement pour les peintres, la sortie d’un discours spirituel dogmatique dispensé par le christianisme a ouvert la liberté à chacun de penser ce qu’il souhaite, notamment en matière de métaphysique, voire à se servir de ses nouvelles convictions dans la production d’une œuvre. S’il faut apprécier cette liberté, il faut aussi convenir que les résultats ne sont pas systématiquement au rendez-vous, du fait de cette recherche. Le siècle dernier fut celui d’une aventure dont l’art est revenu souvent bredouille, n’en déplaise à l’intelligentsia occidentale qui le collectionne précieusement. Il aura fallu tout le soutien de la littérature, de la psychanalyse, des idées communistes, et de la philosophie pour secourir le calvaire des peintres à présenter quelque chose d’intéressant. La peinture métaphysique est-elle à l’image de la couverture, à base de bananes chancies placées aux reins d’une statue grecque ? Qui eut l’idée en premier de Chirico ou de Joséphine Baker, c’est la question que le recul d’un siècle peut nous permettre de poser, quand le ridicule de la proposition est encore défendu par les intellectuels d’aujourd’hui. A vrai dire, la danseuse est plus divertissante que le soi-disant sérieux métaphysique de la barbouille.
Ne serait-il pas préférable d’estimer la liberté d’une époque que de continuer à donner un sens à ce qui n’en a pas ou peu, sinon dans l’imagination de l’artiste et dans celles de ceux qui le commentent ? Chirico l’a fait, c’était très bien à l’époque, mais ne soyons pas dupes, ne racontons pas autre chose que ce qui est sur la toile, même quand l’artiste joue d’un titre décalé ou d’une référence philosophique.
La disparition de tout procédé ou embellissement technique est une autre manière de dire que de Chirico se contentait du laid en prétendant se débarrasser du savoir pictural et des académies, comme toute l’avant-garde de sa génération. Aussi convaincu que l’on soit, une idée contraire à une mauvaise idée n’est pas forcément meilleure que celle qu’elle contredit. On ne défend pas les académies, par nature sclérosantes, mais faut-il admirer le nouveau au seul argument de sa fraîcheur ? De Chirico n’a pourtant pas le choix, il cherche, il dit son époque révolutionnaire, entend ses mots d’ordre et les restitue du mieux qu’il peut, à sa manière. L’humain disparaît pour une peinture de vestiges, où la ville est un décor déserté, où les mannequins et statues sont les seuls êtres vivants. En opposition, la juste restitution des choses qui lui sert d’argument, l’art de la perspective qu’il emploie comme dans les plaisirs du poète, régresse sciemment à la technique moyenâgeuse d’un Giotto. De même, les chairs comme dans Le cerveau de l’enfant deviennent pierres de Lascaux. Ne peut-on pas dire plus simplement que de Chririco est un peintre matérialiste, peintre du dur, de l’ombre, assemblant dans des charades poétiques la représentation d’objets ? Mannequins, cadres, peinture dans la peinture, immeubles, il nous propose un univers poétique plus qu’une métaphysique pour contredire le commentaire d’André Breton sur son travail.
Quant au catalogue, il est complet et de belle facture comme toujours chez cet éditeur. Cependant, sur la forme, on regrette ces titres de chapitre dimensionnés pour les malvoyants dans une case disgracieuse, cette marge blanche supérieure donnant l’impression que les peintures déjà bouchées de noir pèsent davantage encore, jusqu’à glisser de la page, puis cette façon de mélanger également toiles et textes. On comprend que ce qui n’est pas peint, il faut de nombreux commentaires pour le faire voir. Ceci dit, le gardien de la collection, Paolo Baldaci, a l’intelligence et la culture pour entretenir fort bien la légende de la peinture métaphysique de Giorgio de Chirico, mais qu’en penser si on n’accroche pas ?
Ni tout à fait à lire, ni tout à fait à voir, si on est pas déjà amateur de ce style.
Prix : 39,95 €
Catalogues d’exposition : Monographie
Date de parution : 09/09/2020
Format :203 x 292 mm
232 pages
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Galerie Photos
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