Le 10 octobre 2019
Fadah explore sa psyché et expose son point de vue critique sur la société, le tout dans un album marqué par des recherches musicales inégales, mais pleine de sens.
L'a écouté
Veut l'écouter
- Copyright : Fadah
Notre avis : Depuis Les Loges de la Folie, Fadah ne semble répondre à aucun dictât ou tendance dans le rap. Alors que l’on pensait avoir cerné son univers musical, avec son premier projet solo sorti en 2013, ainsi que son EP Cet Art en 2017, le rappeur toulousain revient, assez discrètement, et nous prend à contre-pied avec un projet aux couleurs bien déstabilisantes (autant pour les connaisseurs de l’artiste que pour ceux qui le découvrent avec ce Furieux). L’album ne se comprend, pas totalement, mais au moins dans ses grandes lignes, que si l’on s’engage à plusieurs reprises dans des écoutes actives de ce 12 titres, sans aucun doute nébuleux au premier abord. L’exigence de cet album et celle de son auteur sont finalement leur plus grande tare, comme elles vont également être une de leurs qualités. Théâtre d’expérimentations musicales, Furieux se montre difficile à cerner, voire austère dans ses tentatives pas toujours fructueuses de varier les flows et les instrus. Pourtant, l’album s’inscrit dans une certaine idée de la modernité, mais détourne les tendances à ses propres fins. Les basses cognent, les caisses et charleys sont hérités de la trap, l’AutoTune est présent, les refrains chantés aussi, mais l’ensemble paraît dissonant avec la multitude de projets qui abondent chaque semaine. Et c’est bien pour ces raisons que Furieux doit se déguster et non se consommer, car la forme illustre le fond et vice-versa, et qu’il doit se comprendre comme la somme de tous ses constituants ; se focaliser uniquement sur la musicalité serait manquer le coche d’une démarche plus complexe.
- Copyright : Fadah
Au sein de l’album, Mykki Blanco est très probablement le morceau phare qui donne quelques clés de compréhension quant aux choix artistiques du projet. Prendre ce qui se fait actuellement et en sortir un album marginalisé du monde du rap francophone, pour évoquer son statut de marginal dans la société : logique, au final. Si la voix de Fadah n’est pas la plus facile à décrypter, force est de constater qu’elle parvient à viser juste, en exprimant son ressenti avec une poésie au style affranchi de toutes les barrières. Les images abstraites pleuvent, quitte à ce qu’on en rate parfois le sens, les mesures terre-à-terre abondent, et le rappeur toulousain explore à travers son état des lieux des thématiques rarement abordées dans le rap français. Furieux interroge la société de consommation déshumanisante (BPM), la masculinité (Mykki Blanco) pour, au final, lâcher un cri de liberté, qui, s’il peut manquer un peu de puissance - la faute à un propos parfois trop abscons - ne manque en revanche pas de pertinence et de justesse émotionnelle. La fureur du titre de l’album ne saute pas aux yeux, malgré le flow rude de Fadah, parce qu’elle est enrobée d’une réelle réflexion sur l’écriture et la société, qui amène l’album plus loin que l’expression de ce sentiment par définition primitif. La colère et l’amertume sont intériorisées, le rappeur semble autant dans la prise de recul sur lui-même que dans une implication émotionnellement forte de ce qu’il aborde. Des morceaux comme Furieux attestent de cette impulsivité très réfléchie, quand Agression propose une autre face de la même pièce, plus détachée, lancinante et plus que jamais habitée par les maux responsables du mal-être de son auteur. Furieux est une recherche de soi et, par glissement, un questionnement personnel sur sa place dans une société très normée. Inaccessible, l’album touchera finalement peu de monde, mais par contre ceux qui le seront, le seront profondément.
- Copyright : Furieuse Musique / URBAN - [PIAS]
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.