Le Mystère de la lettre fantôme
Le 25 août 2024
Whodunit en costumes filmé avec une indéniable maîtrise formelle, Full River Red met en scène des intrigues de palais mêlant, de manière inégale, joutes verbales à double-entente, affrontements sanglants et gags burlesques : mais l’ensemble souffre surtout de longueurs et d’une conclusion trop partisane.
- Réalisateur : Zhang Yimou
- Acteurs : Zhang Yi, Shen Teng, Jackson Yee, Lei Jiayin, Yue Yunpeng, Wang Jiayi, Pan Binlong, Yu Ailei, Guo Jingfei
- Genre : Drame, Action, Drame historique
- Nationalité : Chinois
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 2h37mn
- Titre original : 满江红
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 31 juillet 2024
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Résumé : Chine, XIIe siècle. Dans quelques heures va se tenir une rencontre diplomatique de la plus haute importance entre Qin Hui, chancelier de la dynastie Song, et une délégation Jin de haut niveau. Or voilà que le diplomate Jin dépêché sur place est assassiné et la lettre destinée à l’Empereur dérobée. Le Chancelier demande alors au caporal Zhang Da, escorté par le commandant en second Sun Jun, de ramener la précieuse missive avant le lever du soleil. Au fil de leurs recherches, des alliances vont se former et des secrets seront révélés…
Critique : Durant les années quatre-vingt-dix, Zhang Yimou était un cinéaste consacré dans les festivals internationaux : il a ainsi reçu un Ours d’or pour Le Sorgho rouge (1988), un Lion d’argent pour Épouses et concubines (1991), un Lion d’or pour Qiu Ju (1992), un Grand prix et un Prix du jury à Cannes pour Vivre ! (1994) et un autre Lion d’or pour Pas un de moins (1999). Tant et si bien que de nombreux spectateurs ont découvert la Chine à travers ses fresques historiques à la photographie somptueuse, qui magnifiaient sa compagne de l’époque, l’actrice Gong Li.
Mais, d’abord critique vis-à-vis du régime, il en est peu à peu devenu un cinéaste officiel, compromis qui lui a permis d’acquérir la reconnaissance dans son pays et d’orchestrer les cérémonies d’ouverture des Jeux Olympiques de Pékin (en 2008 et 2022) ; mais, malgré Hero (2002) ou Le Secret des poignards volants (2004), il l’a également éloigné des salles occidentales. Ainsi, son dernier film, Full River Red, est le premier à être projeté sur les écrans français depuis La Grande Muraille (2016) et, alors qu’il s’agit d’un blockbuster au budget conséquent et du plus gros succès au box-office chinois en 2023 (à une polémique près sur le décompte des entrées), il sort au milieu de cet été 2024 en toute discrétion.
- Copyright : Huanxi Media Group Limited (Beijing) and Yixie (Qinqdao) Pictures Co., Ltd.
Depuis Épouses et concubines (1991) et La Cité interdite (2007), on savait le cinéaste à son aise confiné entre les hauts murs d’un palais. Dans Full River Red, qui se déploie en temps réel sur près de deux heures quarante, il ajoute à l’unité de lieu celles de temps et d’action, en mettant en scène une enquête menée en une seule nuit dans une cité-forteresse.
Mais, soucieux de ne pas donner à voir du théâtre filmé, Zhang Yimou agrémente son long-métrage des plans zénithaux et des travellings qui lui ont valu la reconnaissance internationale. Et il a également la bonne idée de renoncer aux couleurs bigarrées et aux costumes baroques de ses dernières productions à grand spectacle pour reprendre les teintes anthracite nimbées d’une lumière vespérale bleutée qu’il avait expérimentées dans Shadow (2018).
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Le réalisateur pense, en outre, conférer du dynamisme à sa narration en accompagnant chacun de ses rebondissements d’un changement de décor, précipitant son duo d’enquêteurs dans des dédales de couloirs et de cours, de parapets de remparts et de portes dérobées, tandis que les manigances s’ourdissent de façon plus ou moins secrète. Mais le dispositif, trop redondant, lasse rapidement, d’autant que cette course de fond est menée au rythme des compositions de la tibétaine Han Hong qui mêle, de manière parfois incongrue, airs traditionnels, samples de rap et riffs de rock.
Le scénario mélange, lui aussi, les genres en se faisant tout à la fois énigme policière dans la veine de celles du juge Ti, tragédie historique d’inspiration shakespearienne et farce à la dimension kafkaïenne. Mais les ruptures de ton qu’entraîne ce parti-pris sont pour le moins déroutantes : outre qu’éclatent ponctuellement des accès de violence et de cruauté, la narration passe sans transition de l’humour potache au lyrisme poignant, pendant que le spectateur se perd dans les méandres d’une intrigue de plus en plus complexe.
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Mais surtout, alors que les révélations se succèdent, que les trahisons et les renversements d’alliance se multiplient, et que les cadavres s’accumulent, le propos se politise dans les vingt dernières minutes : ainsi, au terme d’une réflexion sur la nécessité de renoncer à son intime conviction au nom de la raison d’État, de privilégier la destinée collective au détriment du salut individuel, le film s’achève sur une fin grandiloquente qui, en glorifiant une Chine unie, est manifestement destinée à faire écho, auprès du public local, à la situation de Taïwan.
Cette conclusion n’est pas dénuée d’intérêt puisque, pour en arriver à ce plaidoyer, Zhang Yimou romance un célèbre épisode de l’histoire chinoise : le film raconte ainsi la trahison du chancelier de la dynastie Song, Qin Hui, qui après s’être vendu à l’ennemi, la dynastie Jin, fit exécuter le général Yue Fei, aujourd’hui considéré comme un héros national : et, dans le final du long-métrage, l’armée de ce dernier, enfin vengée de la félonie dont il a été victime, entonne en chœur l’un des fameux poèmes qui lui sont attribués, le Tout un fleuve rouge du titre. Mais, contrairement à ce qu’il faisait dans Hero, le réalisateur, en faisant basculer son long-métrage de l’enquête burlesque au film de circonstance (pour ne pas dire plus), procède de manière trop peu distanciée pour ne pas laisser un arrière-goût désagréable.
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