Coming home - la critique du film

Notre avis : Les détracteurs de Zhang Yimou ont, à la sortie du film, vilipendé l’académisme de ce mélodrame sensible, y voyant la preuve que le réalisateur d’Epouses et concubines, grand formaliste attaché à la beauté des cadrages, avait définitivement vendu son âme. Pourtant, c’est faire bien peu de cas d’une démarche qui demeure toujours artistique et très prompte à susciter l’émotion -ce qui n’est pas un crime-, sans abuser d’effets faciles, même s’il est vrai que quelques violons doucereux ont tendance à jouer sur la corde sensible et qu’on aurait pu s’en passer.

Pour le reste, aux grincheux qui n’y voient que pathos et sentimentalisme rance, on conseillera de revoir la séquence des retrouvailles avortées à la gare, dont la réussite s’appuie sur un savant usage du montage alterné, les trois personnages ne se rejoignant finalement jamais dans un même plan rapproché, pour des raisons qui documentent la situation politique du pays : le dissident ne peut retrouver sa femme et sa fille, artistiquement punie par le simple effet de la filiation, est aussi maintenue à distance par la rancoeur. L’histoire se déroule en effet durant la Révolution culturelle, puissant déterminant du drame familial qui advient, jusqu’à l’amnésie symbolique de l’héroïne. A son retour de détention, il n’y a pas de place pour le mari Lu Yanshi, comme il n’y en a pas pour tous les survivants d’un terrible drame, qui dérange la mémoire d’une nation. Chaque être qui a subi l’expérience d’une déportation ou d’un massacre collectif, saura à quel invariant anthropologique réfère cette exclusion, au carrefour de thématiques éternelles, comme celle du bouc émissaire. Les processus d’invisibilisation - présence du mari annulée dans un album de famille, absence concrète que profile le regard de l’épouse amnésique - unissent le drame intime et les terribles effets de la dictature maoïste, sans qu’il soit besoin de surligner, par des allusions dialogiques, ce qu’induisent dans les vies individuelles et les situations familiales, de sempiternelles injonctions à la vénération d’un régime politique.
L’actrice fétiche du cinéaste, Gong Li, assume l’insondable tristesse par des postures qui n’ont rien de marmoréennes, à moins qu’on confonde sobriété et fixité. A mesure que le temps passe, son personnage s’enfonce dans un éternel oubli où vient le rejoindre l’homme qui aurait tant voulu l’aimer à nouveau. Exclus de la réalité par les circonstances du malheur, les deux protagonistes iront s’unir dans un autre monde.