Fra Diavolo (Donne e briganti) - La critique du film

Mario Soldati ne bâcle pas le travail dans ce film de genre enlevé et irrévérencieux à la mise en scène brillante.

L’argument : Dans le royaume de Naples, à la fin du XVIIIème siècle, le paysan Michele Pezza, devenu brigand, s’attaque avec sa bande aux armées de la République française dirigées par le général Hugo.
Le roi Ferdinand lui confère le titre de colonel mais il est trahi par Peppino, son rival auprès de Marietta, la jeune femme qu’il aime depuis l’enfance et qui n’est autre que la fille illégitime du roi.

Notre avis : Le personnage de Michele Pezza, dit Fra Diavolo, chef d’une bande de brigands nommé colonel par le roi de Naples pour combattre les troupes françaises avant d’être capturé et pendu en 1806, a inspiré, entre autre, un célèbre opéra comique (1830) de Daniel François Esprit Auber et une dizaine de films dont le plus connu est probablement The devils brother avec Laurel et Hardy (1933).
La version réalisée pour la Lux en 1950 par Mario Soldati, intitulée en italien Donne e briganti (Femmes et brigands), s’embarrasse assez peu d’exactitude historique et adopte un ton léger et irrévérencieux, privilégiant les scènes d’action et de comédie en laissant délibérément à l’arrière plan les enjeux moraux et politiques mais sans omettre de glisser ça et là des touches de cruauté bien venues (le vision furtive du moine pendu).

Fra Diavolo - Donne e briganti - Mario Soldati 1950

Amedeo Nazzari y interprète le personnage du brigand légendaire en en faisant une espèce de sympathique colosse bondissant, débordant d’énergie, un peu naïf, se battant pour son roi mais pris d’un fou rire incontrôlable chaque fois qu’il se trouve en sa présence.

Donne e briganti - Mario Soldati 1950

L’acteur déploie ici des dons histrioniques remarquables mais ses partenaires ne sont pas en reste, en particulier Paolo Stoppa, peaufinant la figure du traître Peppino, et Jacqueline Pierreux en vivandière peu farouche.
La liberté de ton du film peut d’ailleurs surprendre à plus d’un moment si on a à l’esprit la pruderie généralement de mise dans le cinéma de l’époque (l’ellipse sans équivoque de la nuit passée ensemble dans le couvent par Michele et Marietta).
Car Soldati ne bâcle pas ce travail à priori alimentaire, éloigné de ses adaptations litttéraires de prestige comme Malombra , Piccolo mondo antico , Eugénie Grandet ou Daniele Cortis, et s’adonne au film de genre avec une délectation évidente sans renoncer pas pour autant à ses exigences. <

Donne e briganti - Mario Soldati 1950

br>
Sa mise en scène enlevée, efficace, regorge d’idées brillantes (le jeu sur la juxtaposition de deux espaces distincts au moment de l’irruption muette, mais d’autant plus menaçante, des soldats vus à travers l’oeil de boeuf de la chambre où dors le héros) .
Après cette réussite mineure mais très réjouissante il réalisera plusieurs autres films du même type comme Mandrin, avec Raf Vallone, ou les adaptations de romans d’Emilio Salgari I tre corsari et Iolanda la figlia del corsaro nero.
Cette mastria acquise dans le film d’action lui vaudra d’être mis à contribution pour diriger anonymement les scènes de batailles à grand spectacle de la superproduction Guerre et paix, signée King Vidor.

Fra Diavolo - Donne e briganti - Mario Soldati 1950