Devant lui tout Rome tremblait
Le 20 août 2013
Commencée par Renoir avant l’entrée en guerre de l’Italie en 1940, cette superbe adaptation de la pièce de Victorien Sardou et, surtout, de l’opéra de Puccini annonce aussi le cinéma de Visconti qui assistait le metteur en scène Carl Koch.
- Réalisateur : Koch, Carl
- Acteurs : Michel Simon, Massimo Girotti, Rossano Brazzi, Adriano Rimoldi, Imperio Argentina, Carla Candiani, Olga Vittoria Gentilli
- Genre : Drame, Historique
- Durée : 1h37mn
- Date de sortie : 2 octobre 1942
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– Sortie en Italie : 31 janvier 1941
Commencée par Renoir avant l’entrée en guerre de l’Italie en 1940, cette superbe adaptation de la pièce de Victorien Sardou et, surtout, de l’opéra de Puccini annonce aussi le cinéma de Visconti qui assistait le metteur en scène Carl Koch.
L’argument : Rome, juin 1800. Alors que l’issue de la bataille de Marengo est encore incertaine le comte Palmieri est exécuté sur la terrasse du château Saint-Ange.
Un autre jacobin, Angelotti, est libéré par ses compagnons mais, ne pouvant passer les portes de la ville, il se réfugie, avec l’aide sa soeur, la marquise Attavanti, dans la chapelle familiale à Sant’Andrea della Valle où Mario Cavaradossi est en train de peindre une Madone en s’inspirant des traits de la marquise qui vient régulièrement prier dans l’église.
Cette ressemblance suscite la jalousie de son amante Tosca, célèbre cantatrice qui doit chanter le soir même lors d’un concert devant la reine et vient voir le peintre entre deux répétitions avec le Maestro Paisiello.
Cavaradossi parvient à cacher Angelotti dans sa villa hors les murs mais Scarpia, chef de la police secrète, espère utiliser la jalousie de Tosca pour retrouver les traces du fugitif.
Notre avis : On peut s’étonner de voir Jean Renoir s’attaquer, quelques mois après la sortie de La règle du jeu, à une adaptation de la célèbre pièce de Victorien Sardou (1887) connue surtout grâce à l’opéra, encore plus célèbre, de Puccini (crée en janvier 1900) et, à priori, assez éloignée de son univers. Le cinéaste ayant quitté le plateau au bout de quelques jours de tournage, après l’entrée en guerre de l’Italie le 10 juin 1940 , il est de toute façon difficile de déterminer quelle est sa part dans le film achevé et à quoi celui aurait ressemblé s’il n’avait pas du le confier aux bons soins de son ami Carl Koch et de Lucchino Visconti qui avait été son assistant sur Les bas-fonds et Partie de campagne.
- Tosca (Koch, Renoir 1940)
Ces aléas de production ne se ressentent guère à la vue du film qui tient fort bien la route en dépit de contraintes un peu casse-gueule tels que l’intégration des trois tubes de l’opéra. La fameuse prière de Tosca et les deux airs de Mario sont chantés respectivement par Mafalda Favero et Ferrucio Tagliavani. Vissi d’arte insuffle son lyrisme intense à d’amples panoramiques sur les toits de Rome pendant le générique de début comme, plus tard, E lucevan le stelle anime le réveil matinal de la ville. Pour Recondita harmonia l’acteur est filmé de dos face à son chevalet de peintre.
Les motifs de la partition de Puccini sont abondamment et efficacement utilisés dans un arrangement d’Umberto Mancini, orchestré e dirigé par Fernando Previtali. Mais, le personnage de Tosca étant cantatrice et en vertu d’un souci d’exactitude historique manifeste dans les moindres détails du film, l’actrice et chanteuse hispano-argentine Imperio Argentina interprète aussi à l’écran une composition de Paisiello sous la direction du Maestro en personne (joué par Claudio Ermelli) dont on entend un autre air fredonné par un geôlier du château Saint Ange. (Signalons au passage une erreur relevée dans plusieurs sources : ce n’est pas Massimo Girotti qui joue le rôle d’Angelotti mais l’excellent Adriano Rimoldi. Girotti lui n’apparaît que brièvement mais de manière clairement identifiable dans le rôle d’un jeune conspirateur nommé... Massimo !)
- Rossano Brazzi et Imperio Argentina dans Tosca (Carlo Koch, Jean renoir 1940)
L’action n’est plus concentrée sur trois lieux correspondant aux trois actes du livret de Giacosa et Illica, mais intègre des scènes à la cour (celle, assez drôle où la reine recommande à Scarpia de manger le sorbet à la pistache avant celui au citron), dans une villa de la campagne romaine située au milieu des ruines antiques où Angellotti se cache dans le puits ainsi que de nombreuses prises effectuées dans les rues de Rome.
- Imperio Argentina et Michel Simon dans Tosca (Koch, Renoir 1940)
La photo contrastée et d’une grande beauté signée Ubaldo Arata souligne, avec la musique, le côté monumental, opéra, de l’ensemble, en particulier dans l’étonnante première séquence montrant des cavaliers traverser Rome sous le regard énigmatique d’innombrables statues filmées en gros plan (on notera le remarquable travail de prise de son qui confère une dimention spatiale particulière à de nombreux passages : sabots des chevaux, bruits d’enclume, etc) mais le film évite soigneusement les excès de théâtralité (pas de è morto... Or gli perdono par exemple dans la scène de la mort de Scarpia) et annonce le travail théâtral et cinématographique de Visconti dont on peut supposer que l’influence sur la mise en scène n’est pas négligeable : hyperréalisme concentré sur le détail en apparence anecdotique et direction d’acteur anti-héroïque, loin de la grandiloquence qu’on aurait pu redouter, mettant en lumière la fragilité des personnages.
L’interprétation est d’ailleurs remarquable et fait exister intensément le moindre second rôle. Le Scarpia cauteleux à souhait de Michel Simon est paradoxalement en retrait, sans doute, en partie, à cause du doublage. Il semble cependant être le seul à avoir perdu sa voix propre alors que de nombreuses séquences bénéficient du fait d’être tournées en son direct, un procédé qui va bientôt disparaître des productions italiennes et qui renforce ici l’impact dramatique et spectaculaire d’un film qu’une remarquable édition DVD italienne permet désormais de redécouvrir dans toute la splendeur visuelle.
- Tosca (Koch, Renoir 1940)
- Tosca (Koch, Renoir 1940)
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