Flux

Le monde de Encre s’en prend en effet violemment à ces deux pratiques musicales souvent figées, pour en extraire tout le suc à grands coups de boutoir syntaxiques et numériques.

D’abord le texte. Lorsque l’on décide de s’appeler Encre, il faut évidemment assurer derrière. Mais dès les premiers mots de Marbres, on se rend à l’évidence : Yann Encre possède une langue à lui, un peu à l’instar d’un Richard Morgiève en littérature. Il fait faire un choix immédiat à l’auditeur : adhérer et suivre le narrateur à ses risques et périls, ou abandonner... Allez, tant pis, on fonce. Marbres, donc : "Ah mon foie ! Tu prépares un vieux prématuré. J’avance le ventre creux, les veines bien garnies. On dit mes traits osseux et mon regard teigne qui, s’épiant à son rôle, se prend de mal en pis." Us, plus classique, mais sûrement pas moins fort : "Vous vieillissiez en un même lieu et je ne comprenais pas très bien, ce qui vous tenait parmi ceux de la lignée du quotidien ;" Et puis il y a le sexe, thème central du disque, raconté ici de manière telle qu’il ferait rougir Gainsbourg lui-même (Galant(es ?) décrivant même avec grand soin un cunnilingus).

Qui plus est, Yann Encre semble déposer ses mots plus qu’il ne les chante. Susurrés, crachés, ils font corps avec une musique totalement ouverte : tantôt aérée, tantôt étouffée, elle inaugure un mélange inédit entre manipulations numériques et pratiques acoustiques. Des cordes, un piano, des arpèges de guitare apparaissent par touches successives, disparaissent au gré du mixage, amenant un équilibre incertain à une musique orchestrée mais déconstruite, chaude mais caractérielle.