Feu de tout bois
Le 8 juillet 2005
Julien Lourau revient à des sonorités résolument modernes, sans se départir de son inaltérable goût pour l’éclectisme.



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Après avoir calmé les ardeurs funky de son Groove gang dans les compositions plus modérées de The rise, Julien Lourau revient à des sonorités résolument modernes, sans se départir de son inaltérable goût pour l’éclectisme.
Fire and forget est une expression coutumière des artilleurs anglais au moment d’ouvrir le feu, et désigne de nos jours le principe de fonctionnement des bombes hi-tech à guidage laser. Mais au-delà de l’ironie flagrante de ce titre, dont la dualité n’est pas innocente, se profile un double album issu d’une session d’enregistrement plus que prolifique. Lourau a choisi de décliner ces morceaux en deux tableaux.
Le premier, Fire, est sorti en mars dernier et fait la part belle aux voix, aux invités et présente des morceaux relativement simples dans leur ensemble. Un disque assez décevant par rapport à ce à quoi Lourau nous avait habitués depuis Gambit : des compositions complexes, des sonorités variées, un exotisme à la fois sensuel et éclairé. Ici, on a l’impression qu’on nous a servi le même cocktail mais qu’il s’est affadi entre-temps. Le morceau éponyme de ce diptyque, placé là en guise d’ouverture, traîne en longueur, se répète et finit par ennuyer ses auditeurs. Si on met à part La boucle, petit chef-d’œuvre de malaise, et les soli pianistiques de Bojan Z sur Relaxin’@, la suite de l’album n’est pas tellement pour rattraper ce faux départ : on a l’impression que les interprètes jouent "technique", sans réelle conviction, les mélodies manquent de rythme, d’envergure, elles se traînent en longueur. Peut-être le son mat et renfermé, l’aspect vide, lent et déprimé de ce premier opus sont-ils volontairement calculés ? Peut-être s’agit-il d’une sorte de recueil-poubelle ? En tout cas, s’il était sorti seul, il y aurait eu de quoi se poser des questions sur le talent de Lourau.
Mais heureusement, Forget rattrape efficacement les déceptions qu’ont pu éprouver les adeptes de musique un peu sophistiquée à l’écoute de Fire. La texture de cette deuxième partie est plus ouverte et plus aventureuse, la musique est redevenue instrumentale. Cette fois, tous les morceaux valent la peine qu’on s’y attarde. Julien Lourau renoue avec le versant le plus sensible de son jeu, son phrasé limpide, ses montées d’intensité, sans précipiter ni forcer le trait. Les musiciens qui l’entourent font eux aussi une démonstration sans ambages de leur talent. Et le mélange des genres trouve sa plus belle expression dans Cochon créole (dub), ce long développement de plus de quatorze minutes qui se fond finalement dans une irrésistible fantasia balkanique inspirée par Bojan Z et intitulée Ve-vor (prononcez "fever" ?).
Fire and forget est donc un curieux album à deux vitesses, mais qui a l’indéniable qualité, comme les précédents d’ailleurs, d’explorer un territoire musical resté encore vierge au cours de la carrière de Julien Lourau.
Fire and forget, Julien Lourau (Label bleu/Harmonia mundi)
Tracklisting :
Fire :
1 Fire and forget
2 A stitch in time
3 Don’t save me
4 Sometimes
5 I’d rather not
6 La boucle
7 Lisa et Flavio
8 Relaxin’@
9 Guantanamo
10 Messieurs les Anglais, tirez les premiers !
Forget :
1 Lisa et Flavio
2 Diaspora
3 I’d rather not
4 Cochon créole
5 Collateral dammage
6 Bigger than life
7 Cochon créole
8 Hope
9 Cochon créole
10 Cochon créole (dub)
11 Ve-vor