Au bord de la crise de nerfs !
Le 4 mai 2010
Dans une société égyptienne prise en tension entre le poids des traditions et les revendications de la modernité, des voix s’élèvent. Une ode à la féminité très ciselée, mais qui souffre d’un rythme inégal.
- Réalisateur : Yousry Nasrallah
- Acteurs : Mahmoud Hemida, Mona Zakki, Hassan El Raddad, Sawsan Badr
- Genre : Drame
- Nationalité : Égyptien
- Distributeur : Pyramide Distribution
- Durée : 2h15mn
- Titre original : Ehky ya schahrazad
- Date de sortie : 5 mai 2010
- Plus d'informations : Le site du distributeur
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Résumé : Le Caire, de nos jours. Hebba, une animatrice de télévision, présente une émission politique à succès sur une chaîne privée. Karim, son mari, est le rédacteur en chef adjoint d’un journal appartenant au gouvernement et ambitionne d’en devenir le rédacteur en chef. Les pontes du parti au pouvoir le persuadent que les discours répétés de sa femme leur font du tort et mettent ainsi en péril sa promotion...
Critique : En quelques siècles mouvementés dans le monde arabe, Shéhérazade s’est modernisée. Et selon Waheed Hamed, scénariste de L’immeuble Yacoubian - acclamé à sa sortie en Égypte -, son audace, son imagination et sa féminité assumée feraient aujourd’hui d’elle... une journaliste, à la tête d’une émission de télé où « tout est politique ». Tout, c’est-à-dire aussi ce qui touche aux femmes, à leur quotidien, aux rapports avec les hommes ; tout ce qui, sous le poids des traditions sociales, n’a qu’un droit de cité bien faible. Grâce à un travail d’écriture souvent virtuose, Femmes du Caire fait l’effet d’un violent courant d’air qui viendrait balayer des décennies de poussière égyptienne et de silence sur la condition des femmes. Les conditions des femmes, faudrait-il dire avec davantage d’exactitude, car ce que découvre Hebba dans ses contes de Shéhérazade moderne, c’est que toutes ne sont pas égales devant les dangers qu’elles rencontrent dans leur vie de tous les jours ; par là même, celles qui sont menacées d’oppression résistent par des stratégies diverses, qui les font redoubler d’inventivité ou de courage, au même titre que les hérauts de la liberté d’expression. Il est particulièrement piquant de voir ces récits croisés - en particulier celui de Safaa, qui dévoile les raisons de son incarcération - se transformer en contes moraux d’une cruauté parfois surprenante. Le scénario réussit à conserver la maîtrise parfaite d’une structure en poupées russes, où le franchissement des tabous va croissant : de la virginité à la polygamie, le fil tourne bien entendu souvent autour du problème de la sexualité avant le mariage et des questions d’honneur qui l’accompagnent, mais en laissant la place à une parole féminine libératrice.
- © Pyramide Distribution
Femmes du Caire se situe incontestablement dans une catégorie supérieure à la majorité de la production égyptienne d’aujourd’hui : alors que le cinéma égyptien a connu un véritable âge d’or jusque dans les années 1980, la création cinématographique a perdu de son aura et s’égare dans des comédies bas de gamme... De manière presque inconsciente, Yousry Nasrallah semble avoir communiqué à ses personnages une sorte de nostalgie d’un cinéma mélodramatique et éloquent. Le risque dont l’ombre plane malheureusement pendant une grande partie du film est que l’éloquence confine ici à la grandiloquence : le mélo prend des allures soap, auxquelles le décor moderne du scénario (le plateau de télévision comme divan de tous les problèmes de la planète) n’est pas étranger. Il n’est du même coup pas tout à fait contradictoire que Mona Zakki, la star qui mène l’enquête médiatique et sociale, soit celle qui livre l’interprétation la plus hystérique et... la moins convaincante, quand le jeu des « vraies » femmes se révèle poignant. Malgré une charpente scénaristique solide, le cinéaste, à la filmographie jusque-là plutôt auteuriste, donne l’impression d’avoir été mal à l’aise avec un univers parfois artificiel, qui emprunte davantage à la comédie loufoque contemporaine qu’à Chahine, d’où un rythme curieusement discontinu. Mais c’est peut-être la leçon de tous ces chemins différents : un film choral, c’est aussi une cacophonie.
- © Pyramide Distribution
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