Musique
Le 3 juillet 2002
Pourquoi jouer toutes les notes, alors qu’il suffit de jouer les plus belles ?


- Artiste : The Cinematic Orchestra

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Quand on écoute du nu jazz, on se demande vraiment pourquoi tous ses bidouilleurs informatiques (Carl Craig en tête) ont décidé d’entreprendre ce jeu de massacre. Pourquoi dématérialiser l’essence des grands classiques pour ne garder qu’une rythmique de Jimmy Cobb, un sample de Miles Davis ou un phrasé d’Ella Fitzgerald. Le collectif jazz The Cinematic Orchestra pourrait être de la même veine. Mais Ninja Tune, son label, n’a pas l’habitude d’inonder la planète d’ersatz musicaux sans âme.
Every Day est le deuxième album de ce collectif. La notoriété acquise avec Motion en 1999, est confirmée ici. The Cinematic Orchestra est un groupe précieux. Bien que son style, oscillant entre jazz et musique de film, soit "sur-pillé" par tous les compositeurs en herbe, deux choses différencient J. Swinscoe et ses musiciens de leurs contemporains, leurs qualités musicales et surtout un feeling étonnant.
Entouré de Luke Flowers (DJ Food lorsqu’il passe derrière ses platines) à la batterie et de Phil France à la basse, J. Swinscoe développe un combo jazz (proche du free de temps à autre) à l’assise irréprochable. Du coup, les invités n’ont plus qu’a se poser et à donner du corps à leurs expériences. Premier featuring de l’album, Fontella Bass, digne héritière des grandes voix soul des années 60, apporte les envolées soul nécessaires au décollage en flèche de All That You Give. Autre invité de marque, Roots Manuva (signé sur Ninja Tune depuis l’album Brand New Second Hand sorti en 1999) et son flow hip-hop taillé sur mesure pour All Things To All Men.
Avec cet album, The Cinematic Orchestra montre son dédain pour les productions uniformisées et les formats single (la plupart des titres frisant les huit minutes). Il s’attaque aux murs porteurs du jazz et de la soul en faisant un joyeux mix avec les instruments contemporains (platines DJ, scratch et machines diverses).
D’une musique admirablement belle et personnelle, les musiciens ne jouent pas trop, uniquement les notes nécessaires. La production est massive mais discrète, les featurings sont "classieux" et surprenants. Bref ce disque est un classique instantané à acheter d’urgence ! Et comme disait Miles Davis : "Pourquoi jouer toutes les notes, alors qu’il suffit de jouer les plus belles ?"