Le 2 février 2022
Déambuler dans la nature, se laisser aller à un autre rapport au temps… Dans ses « rêveries de promeneur solitaire », Arnaud Villani cherche à réconcilier l’Homme avec le sauvage, tombant dans des clichés essentialistes que seule la poésie de l’écriture rend acceptables.
- Auteur : Arnaud Villani
- Collection : Marcher avec
- Editeur : La Salamandre
- Genre : Récit
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 12 janvier 2022
- Plus d'informations : Site de l’éditeur
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Résumé : La rencontre de l’Humain et de la Nature peut-elle encore faire l’objet d’une expérience inédite ? Une plongée dans les pensées vagabondes d’un philosophe, poète, naturaliste.
Critique : La première page nous révèle l’intention de ce livre : cheminer. Il s’agit de partir en déambulation dans la nature sauvage, comprendre celle qui n’est pas façonnée par l’humain. Il s’agit aussi d’y exercer tous nos sens et surtout d’y laisser aller sa pensée. Toutefois, Arnaud Villani, poète et philosophe, ne cherche pas à nous guider, mais bien à nous embarquer avec lui, dans ses réflexions, dans ses parcours. A travers le partage de son expérience sensible de la nature, il se laisse aller à des réflexions sur les racines, la beauté, à des pensées plus conceptuelles, également. On retrouve alors la patte du philosophe, désireux d’explorer les idées qui viennent à lui, s’appuyant sur les illustres qui l’ont précédé : Héraclite, les mythes grecs ou bien encore son champ de recherches favori : Gilles Deleuze.
S’agissant d’une expérience sensible, l’œuvre se découvre à la première personne, dans un style très agréable, léger et sans emphase. Les comparaisons et métaphores expliquent le propos sans l’alourdir, avec une poésie tout à fait remarquable, qui sublime le sujet.
Là où le bât blesse, c’est lorsque l’auteur tombe dans l’essentialisme. Voulant rendre hommage aux femmes et notamment à celles qu’il croise lors de sa promenade, il consacre un chapitre au « féminin », liant « nature et femme » (« Oh, le rêve de devenir nature ou femme, pour y comprendre enfin quoi que ce soit ! » p.76). Il semble ici rejoindre la pensée de l’écoféminisme, qui établit un parallèle entre la domination volontaire de l’Homme sur la nature et le patriarcat. Cependant, en réduisant les femmes à une image stéréotypée et corporelle, il confond la définition biologique de « femme » et « femelle ». Les hommes n’échappent pas non plus au cliché le plus grossier : « Et, disons-le, leur prétendue « hystérie » que les hommes vont placer jusque dans leur sexe […] dénonce clairement les hommes en tant que mâles : leur rituel infantile de possession, leur désamour brutal, leur indélicatesse, leur maltraitance. » p.91).
S’il est possible de lire dans cet ouvrage la pensée d’un homme enclin au désir pour le genre féminin, la réduction essentialiste obère fortement sa portée : lier la nature aux femmes revient à les caractériser en fonction de leur genre, en attribuant des qualités ou des propriétés physiques qui seraient davantage disposées à la préservation de l’environnement. Cette opposition entre les sexes, si elle peut se concevoir philosophiquement, semble toutefois bien loin d’un propos visant à défendre le sauvage, et donc la nécessité pour l’humain de ne pas se laisser aller à une domination de son espace de vie.
Finalement, Villani revient à la vieille opposition entre la nature et de la culture. Si le débat semblait tranché par l’Histoire de la philosophie, il défend ici le retour à la nature, en encourageant à l’expérience sensible – un chapitre est ainsi consacré à une baignade, nu dans un lac de montagne-. L’Homme, après s’en être extrait, devrait reprendre son instinct plus animal, avec davantage de sobriété que de condescendance. Ces méditations s’opposent à celles de Rousseau dans ses Rêveries du promeneur solitaire, où l’écrivain considérait que l’état naturel de l’Homme n’existerait plus et n’avait d’ailleurs probablement jamais existé. Mais pourquoi donc y mêler une opposition entre masculin et féminin ? Pourquoi convoquer l’image de l’Amérindien pour défendre un ensauvagement salvateur ?
Cet ouvrage, dans une collection « marcher avec », se veut donc modeste par son propos, rendant hommage à la libération de la pensée possible, lorsque l’individu se retrouve confronté à la nature, forcément non hostile et accueillante. La marche comme source de méditation est appréhendée avec une dimension poétique tout à fait remarquable. Les pensées maladroites et sans doute contestables ne s’expliquent que par le franchissement d’une rêverie un peu trop profonde et qui doit être lue comme telle : une rêverie éveillée, donc pleine de défauts.
112 pages - 19 €
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