Le 5 janvier 2022
L’ouvrage s’adresse avant tout à un public cinéphile : les références théoriques sont nombreuses, ainsi que les citations. Cet essai évoque la mort, explique aussi comment la dépasser grâce au cinéma. Si l’écriture conférencière déroute parfois le lecteur, le livre se parcourt lentement, laissant ainsi le temps d’ouvrir toutes les portes d’un jeu de piste dans l’Histoire du cinéma.
- Auteur : Philippe Ortoli
- Collection : Focale(s)
- Editeur : Passage(s)
- Genre : Essai
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 4 novembre 2021
- Plus d'informations : Site de l’éditeur
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Résumé : Cet essai s’intéresse à la mort au cinéma. Construit à partir de l’idée qu’un film est déjà un produit fini, dont la vie commence après sa fin, il explore les différents thèmes de la mort au cinéma. L’auteur s’appuie sur de nombreux exemples, n’hésitant pas à étudier le genre qui le supplante aujourd’hui : la série télévisée.
Critique : Le livre est signé d’un professeur en études cinématographiques à l’université de Caen, qui possède à son actif plusieurs ouvrages consacrés à Tarantino ou Clint Eastwood. Dans la lignée de ses recherches, il évoque donc le thème de la mort au cinéma, rassemblant ici des extraits de conférences ou de précédents écrits. Un long prologue revient sur la définition même du cinéma, qui apporte la lumière et, par association, la vie. Ortoli convoque ensuite plusieurs grands théoriciens de l’étude cinématographique, de Bazin à Jean-Louis Leutrat, auteur d’un ouvrage de référence sur le western. A travers eux, il définit le contour de sa réflexion, qui se rapporte surtout à la question du passage de la vie à la mort, et donc des procédés utilisés dans le cinéma.
L’originalité du corpus à l’appui de sa thèse réside dans l’inclusion d’une nouvelle forme dominante d’écriture à l’écran : les séries télévisées. L’auteur questionne ainsi son choix : « le cinéma est-il réservé à l’argentique ? » , tout en gardant la prudence de ne pas trancher le débat actuel, qui vise à déterminer si les séries télé, et plus généralement les plateformes, ont toute leur place dans le septième art. Il établit néanmoins le parallèle entre les films sériels, tels James Bond ou Antoine Doisnel, ce qui suffit à sa démonstration.
Mais Ortoli est avant tout philosophe et, forcément, l’influence de la pensée deleuzienne se ressent dans le texte, Il se réfère ainsi aux écrits de ses prédécesseurs, revenant notamment sur un travelling du film « Kapo », film italien de Gillo Pontecorvo (1960), dont la chronique de Jacques Rivette, parue dans les Cahiers du cinéma, s’intitulait alors « De l’Abjection ». Cet article a longtemps interrogé les rapports entre la critique et la morale, Rivette indiquant que l’auteur de ce travelling filmant la mort de Riva « n’a droit qu’au plus profond mépris ». La question du traitement cinématographique de la mise à mort se décline ensuite dans l’ouvrage, que ce soit à travers l’esthétique ou les cadres choisis.
La multiplication du nombre d’exemples fait cependant perdre beaucoup à la clarté de la démonstration dans la première partie.
La deuxième, relative à l’au-delà et donc à la nécessité même du cinéma comme art, est mieux ordonnée. Les exemples sont davantage analysés et plus clairement exposés. Le détail convient davantage à l’auteur que la généralité des concepts, du moins dans son travail de transmission. A travers les choix qui lui sont proposés, de Fellini à Tarantino, le lecteur comprend alors que la question de la fin se révèle plus complexe qu’il n’y paraît : il s’agit de transcender l’action et donc l’existence elle-même, pour en faire de l’art. Voici donc le cinéma et la mort réconciliés, dans cet au-delà annoncé depuis le départ.
L’abondance de références montre le soin à vouloir s’adresser au plus grand nombre, qu’il s’agisse de Claude Sautet, de la série « The Walking Dead » ou même de « Nip/Tuck ». La question du corps et de la finitude imprègne globalement le propos. On ressent ainsi l’admiration portée à Quentin Tarantino qui met la mort et la déconstruction des corps au cœur de chacun de ses films, à travers une esthétisation de la violence parfois discutable. Ici, il s’agit de démontrer que le réalisateur dépasse son sujet de la mort, pour l’inscrire pleinement dans son œuvre.
Les analyses défendues par Ortoli donnent donc à voir de nouvelles perspectives aux cinéphiles, à travers un corpus hétéroclite, mais dont l’auteur parvient à maintenir la cohérence. La présence finale d’un index et les illustrations contenues dans l’ouvrage éclairent les commentaires. Ce livre est destiné à celles et ceux qui souhaitent prendre leur temps de parcourir l’idée de la mort dans l’oeuvre du vivant, à l’écran.
360 pages - 25 €
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