Trous d’air
Le 26 mars 2003
Le duo londonien muscle son jeu sur un deuxième album électrique et passionné.


- Artiste : Turin Brakes

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Retour sur un disque qui s’installe insidieusement dans la vie de l’auditeur, à grand renfort de mélodies douces-amères et de guitares entrelacées.
Il y a deux ans, le succès remporté par The Optimist Lp, premier album du duo londonien Turin Brakes, avait surpris tout son monde, à commencer par Olly Knights et Gale Paridjanian eux-mêmes. Nominés outre-Manche aux Brit Awards et candidats au Mercury Prize, les deux anciens enfants de choeur se trouvent alors un peu dans la même situation que leurs voisins de Coldplay : encensés par les critiques, récompensés par l’industrie du disque et renfloués par leurs chiffres de vente, ils allaient devoir vivre avec le célèbre syndrôme du deuxième album. Tout comme le groupe de Chris Martin (qui a appelé Ian McCulloch à la rescousse en plein milieu de l’enregistrement de A Rush Of Blood To The Head), Turin Brakes va recourir à une aide extérieure, histoire de muscler quelque peu un jeu trop sage. Tony Hoffer, producteur californien réputé pour son travail à l’instinct et sa "coolitude" naturelle, et qui a notamment officié sur le Mutations de Beck et le 10000Hz Legend de Air, sera l’homme de la situation.
Du coup, les atouts naturels de Turin Brakes (harmonies vocales folk, guitares acoustiques entremêlées) se trouvent renforcés sur cet Ether Song bien plus long en bouche qu’il n’y paraît. Là où The Optimist Lp et son obsession pour les guitares sèches et le tambourin laissait une impression de mélancolie préfabriquée, le nouvel album installe d’emblée un climat plus riche et plus torturé (toutes proportions gardées bien entendu, on n’est pas non plus chez Joy Division). Ainsi, une rythmique électronique résonne sur Blue Hour bien avant le premier accord de guitare acoustique (tout un symbole), et ce dernier est vite corrompu par une guitare électrique fouineuse et des bruits parasites. Le ton est ainsi donné : les mélodies imparables sont toujours là (Average Man, Stone Thrown), mais elles subissent les attaques régulières d’arrangements magistralement pervertis par Tony Hoffer. Ether Song trouve ainsi son point d’orgue en fin de disque, lorsque Panic Attack et sa mélodie curieusement linéaire et robotique font place au déferlement électrique de Little Brother.
Côté textes, les thèmes chers au duo (nature et relations humaines) baignent aujourd’hui dans une sorte d’éther malaisé, révélateur de trous d’air (les répétitions de Self Help) ou créateur d’associations contradictoires et de moments hallucinés (le single Pain Killer). Certes, quelques facilités viennent tempérer l’enthousiasme général. La mélodie de Self Help rappelle furieusement le tube interplanétaire des 4 Non Blondes What’s Up, et Knights et sa voix de Gavroche peuvent agacer par moment à force de dérapages plus ou moins forcés. Mais l’incontestable nouvelle identité du groupe pourrait bien aider celui-ci à suivre une nouvelle fois la trajectoire ascendante de Coldplay, si d’aventure un single venait à imposer Turin Brakes sur les ondes fm de la planète, ou si la tournée mondiale imminente confirmait sur scène la métamorphose entrevue sur disque.
Turin Brakes - Ether Song (Source/Virgin)