Rome emballée
Le 9 août 2010
Comédie délicieusement déglinguée, documentaire sur la Rome méconnaissable d’avant le Jubilé et tragédie à peine esquissée de l’impossible inscription dans le présent du monde. Le plus beau film de Matteo Garrone
- Réalisateur : Matteo Garrone
- Acteurs : Rossella Or, Salvatore Sansone, Monica Nappo
- Genre : Comédie dramatique, Documentaire
- Nationalité : Italien
- Plus d'informations : http://www.archimedefilm.it/estate.htm
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– Durée : 1h27mn
Comédie délicieusement déglinguée, documentaire sur la Rome méconnaissable d’avant le Jubilé et tragédie à peine esquissée de l’impossible inscription dans le présent du monde. Le plus beau film de Matteo Garrone.
L’argument : Rossella, actrice du théâtre d’avant-garde des années 70, revient à Rome après des années d’absence, mais rien ne lui apparaît plus comme avant. Désemparée, elle cherche à se rapprocher des anciens amis de l’époque des spectacles dans les caves et de renouer des liens distendus, à la recherche d’un passé qui lui rende sa propre identité. L’accompagnent dans ses errances à travers une ville en chantier, sans visage, empaquetée sous les échafaudages dans l’attente du Jubilé de l’an 2000 : Salvatore, décorateur de théâtre, napolitain oisif et désillusionné, son assistante Monica et un encombrant globe terrestre fabriqué pour un spectacle inspiré de la Guerre des Etoiles et refusé par le metteur en scène. Au terme de ce voyage, Rossella parviendra t-elle à se retrouver elle-même et à ne pas succomber à l’interrogation lancinante : « Comment faire pour ne pas disparaître » ?
Notre avis : Tourné dans le quartier de l’Esquilin et à Ostie durant l’été 1999, Estate romana, le troisième long métrage de Matteo Garrone après Terra di mezzo et Ospiti, nous montre Rome en plein chantier avant les festivités du Jubilé de l’an 2000.
Et c’est cet aspect documentaire qui frappe avant tout à la vision de ce film, le réalisateur parvenant admirablement à capter l’atmosphère de la zone à forte concentration d’immigrés qui entoure la Gare Termini et la Piazza Vittorio. (Nous assistons notamment à une réunion de quartier fort agitée où apparaît une des vieilles dames de Pranzo di Ferragosto).
Dans cet environnement en pleine mutation, et une ville rendue difficilement identifiable par les bâches qui recouvrent nombre de façades, le film fait revenir un personnage du passé, Rossella. Le rôle est incarné par Rossela Or qui fut effectivement une des figures du mouvement théâtral d’avant garde qui investit les caves romaines dans les années 70. Nous la voyons d’ailleurs dans un extrait de documentaire de l’époque.
Essayant désespérément de retrouver ses marques dans ce monde qu’elle ne reconnaît plus et tendant même à perdre l’usage du langage, Rossella est une figure tragique au masque extrêmement émouvant de clown triste, mais dont l’existence même à l’écran a quelque chose de vacillant, comme si elle n’arrivait qu’à grand peine à être là, évoquant le Barthleby de Melville, dont la trame sous-tend celle du film.
En contrepoint de cette figure, nous avons celle d’un autre marginal, le nonchalant Salvatore, lui aussi une espèce de clown avec son masque impassible. Il ne lui est pourtant pas facile de rester détaché face aux événements rocambolesques et dérisoires auxquels il est mêlé et en particulier au périple du globe terrestre que depuis des mois il confectionne sans se presser pour un spectacle théâtral : pas fini à la date de livraison, trop gros pour passer la porte, esquinté, refusé par le metteur en scène, presque revendu, transporté sur la plage d’Ostie.
Dans tout cet épisode à la loufoquerie discrète les rythmes syncopés de la sympathique Banda Osiris contribuent à instaurer le charme d’une comédie délicieusement déglinguée.
La merveilleuse lumière d’été qui inonde de bout en bout l’inclassable Estate romana, le côté fragmentaire de ce film bricolé avec les moyens du bord, son oscillation constante entre document brut, comédie lunaire et tragédie à peine esquissée en font l’oeuvre la plus attachante que Matteo Garrone ait produite à ce jour. Un chef d’oeuvre léger au charme irrésistible parcouru par une émotion souterraine qui affleure par moment et bouleverse sans avoir l’air d’y toucher.
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