Le 5 mai 2020
Le Pinocchio de Garrone est soigné et élégant, et ravira les enfants comme leurs parents. Même si le film peut paraître un peu trop consensuel, il s’inscrit pleinement dans l’univers du cinéaste.
- Réalisateur : Matteo Garrone
- Acteurs : Roberto Benigni, Rocco Papaleo, Marine Vacth, Gigi Proietti, Federico Ielapi, Davide Marotta, Massimo Ceccherini, Maurizio Lombardi
- Genre : Comédie dramatique, Fantastique, Film pour enfants
- Nationalité : Britannique, Français, Italien
- Distributeur : Le Pacte, Amazon Prime Video
- Durée : 2h05mn
- VOD : Amazon Prime Video
- Plus d'informations : Semaine du Cinéma Italien - Cannes Cinéma
- Festival : Festival de Berlin 2020
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– Sortie le 4 mai 2020 : Amazon Prime Video
Résumé : « Il était une fois... — Un Roi ! s’écrieront aussitôt mes petits lecteurs. Non, les enfants, vous vous trompez. Il était une fois un morceau de bois »... ainsi commence l’histoire. Geppetto, un pauvre menuisier italien, fabrique par accident dans une bûche de bois à brûler un pantin qui pleure, rit et parle comme un enfant, une marionnette qu’il nomme Pinocchio. Celui-ci lui fait tout de suite des tours et il lui arrive de nombreuses aventures : il rencontre Mangefeu, le montreur de marionnettes, le Chat et le Renard qui l’attaquent et le pendent, la Fée bleue qui le sauve. Son nez s’allonge à chaque mensonge…
Critique : Le conte pour enfants de Carlo Collodi (1826-1890) a fait l’objet de plusieurs adaptations cinématographiques, les plus réussies étant la production Walt Disney de 1940, légendaire film d’animation, et surtout Les aventures de Pinocchio (1972) de Luigi Comencini (avec Nino Manfredi dans le rôle de Geppetto et Gina Lollobrigida dans celui de la Fée bleue), qui avait aussi bénéficié d’une version longue pour la télévision italienne. On pouvait être surpris, a priori, de voir Matteo Garrone s’emparer du matériau, du moins si l’on songe à Gomorra, qui reste son film le plus célèbre, récit choral sur le monde de la mafia, qui revisitait le néoréalisme, tout en élargissant l’horizon du polar et de la critique sociale. C’est oublier qu’il ne faut pas réduire le cinéaste à cette œuvre culte, lui qui a renouvelé la comédie italienne satirique avec Reality et s’est aventuré dans les eaux troubles du drame policier dans Dogman et même de l’heroic fantasy avec le sous-estimé Tale of Tales.
- Copyright Greta De Lazzaris
On trouve d’ailleurs la dimension de conte dans toute sa filmographie et les personnages se répondent, les deux ados de Gomorra connaissant le même parcours initiatique d’une enfance volée que Pinocchio, dont l’innocence bafouée fait écho à celle de Marcello, le toiletteur pour chiens harcelé par un faux ami. Et, bien entendu, les différentes créatures plus ou moins monstrueuses de Tale of Tales ne sont pas sans similitude avec la faune rencontrée par le pantin animé, des terrifiants Renard et Chat au cocher vendeur d’enfants, dont les velléités d’ogre sont masquées par une bienveillance de façade. C’est d’ailleurs son expérience de la transposition des contes de Giambattista Basile qui a poussé Garrone à poursuivre dans la voie du récit merveilleux, comme il le précise dans le dossier de presse : « Avec TALE OF TALES, j’ai commencé mon voyage dans le surnaturel, des histoires où le réel se mêle au fantastique […] À la fin de ce film, j’ai réalisé qu’il y avait encore des marges d’exploration dans un territoire que j’avais à connaître. À ce moment, j’ai commencé à chercher une autre histoire et j’ai relu PINOCCHIO. Ce fut l’occasion d’un voyage dans l’Italie paysanne de la fin du XIXe siècle, à travers les photos d’Alinari, la peinture […], les grands illustrateurs, comme Enrico Mazzanti, le plus ancien, mon guide ». On peut donc considérer que Pinocchio est un peu la synthèse de l’univers de Garrone, la description réaliste de la misère humaine étant greffée à un sens de la composition picturale et de l’imaginaire, avec en filigrane une critique sociale des inégalités, la même qu’avait dévoilée Comencini dans son approche du conte de Collodi.
- Copyright Greta De Lazzaris
Sans abuser des effets spéciaux et des morceaux de bravoure, la version de Garrone est un beau spectacle soigné et magnifié par le travail du chef opérateur Nicolai Brüel et du compositeur Dario Marianelli. On appréciera également de belles idées de narration, comme le choix de deux interprètes pour la Fée bleue, une enfant fantomatique, puis une beauté éthérée mais ambiguë, campée par la Française Marine Vacht. Le casting est d’ailleurs sans failles : Roberto Benigni dont on connaît la propension au cabotinage est ici pondéré dans l’émotion comme la fantaisie, et trouve l’un de ses meilleur rôles. Il est bien entouré de trognes felliniennes pittoresques, de Paolo Graziosi en Maître Cerise à Guillaune Delaunay en géant, en passant par Gigi Proietti dans le rôle de Mangefeu, le terrifiant montreur de marionnettes. Reste que l’ensemble pourra paraître trop consensuel et d’un classicisme un peu sage, même s’il ne tombe jamais dans l’académisme, comme si Garrone n’avait pas voulu prendre trop de risques dans ce film destiné à tous les publics. Ce n’est pas une raison pour bouder notre plaisir et Pinocchio s’avère un spectacle hautement recommandable.
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