Le 16 novembre 2017
- Scénariste : Sylvain Venayre
- Dessinateur : Etienne Davodeau
- Genre : Historique
- Famille : BD Franco-belge
- Editeur : La Revue Dessinée, La Découverte
- Festival : Quai des bulles 2017
Sylvain Venayre et Étienne Davodeau sont les co-auteurs de La Balade nationale, premier volume résolument historiographique d’une ambitieuse Histoire dessinée de la France qui en comportera vingt, associant pour chacun d’entre eux un dessinateur et un historien. Dans ce récit vivant et souvent drôle, Jeanne d’Arc, Molière, le général révolutionnaire Dumas (père du célèbre écrivain), Jules Michelet et Marie Curie se retrouvent pour s’emparer du cercueil du maréchal Pétain et entamer une balade en camion à travers les routes de France…
Nous sommes allés à la rencontre d’Étienne Davodeau et de Sylvain Venayre, co-auteurs du premier tome de la nouvelle Histoire dessinée de la France.
Pourquoi lancer une nouvelle « Histoire de France » en bande dessinée ?
Sylvain Venayre (SV) : C’est une idée d’Hugues Jallon, de La Découverte. Cet éditeur ne faisant pas de bande dessinée, il s’est donc tourné vers La Revue Dessinée, dont l’objectif de mettre la méthode de la Revue au service du discours historique. Le projet date de 2014. Il a fallu effectuer le découpage chronologique et confier chaque volume à un duo historien/dessinateur.
J’assure la direction scientifique de la collection car j’ai écrit un livre sur les Origines de la France (NDLR : paru au Seuil en 2013), et que j’avais déjà fait de la bande dessinée avec Jean-Philippe Stassen, avec qui j’ai réalisé Cœur des Ténèbres et L’Île au trésor chez Futuropolis.
Étienne Davodeau (ED). De mon côté, j’avais déjà travaillé avec Benoît Collombat pour La Revue Dessinée (NDLR : cette collaboration a donné lieu à Cher pays de notre enfance, Futuropolis, 2015). Le jour où la revue m’a proposé ce projet avec un historien, j’ai d’abord refusé, mais ils ont insisté et j’ai finalement rencontré Sylvain Venayre. En discutant avec lui, mes appréhensions se sont envolées et j’ai eu l’intuition qu’il fallait que je fasse cet album. J’ai repoussé mes autres projets pour faire cette bande dessinée. Je frissonne aujourd’hui à l’idée que ce projet aurait pu m’échapper…
©La Découverte/La Revue Dessinée Davodeau/Venayre
Comment s’est fait le découpage chronologique ?
SV. J’ai réalisé le découpage à la demande de l’éditeur. Je voulais absolument commencer par un volume historiographique, pour ne pas commencer par « Les Gaulois », qui sont traités dans le deuxième volume.
À quel public souhaitez-vous vous adresser ?
ED. C’est une question que je ne veux pas me poser. Je ne m’intéresse jamais au public en général, mais à la personne qui va ouvrir le livre. À mes yeux, le livre est un lieu d’échange où se rencontrent une personne qui produit et une autre qui reçoit. Pour La Balade nationale, je ne me suis pas fixé de catégorie d’âge. Après, je suppose qu’il faut au moins être adolescent et s’intéresser un minimum à ce qui nous constitue en tant que Français. En dehors de ça, ce livre s’adresse à tous.
SV. Nous avons eu quelques retours d’enseignants et de parents d’élèves qui nous ont affirmé qu’ils allaient accompagner cette lecture. Nous rencontrerons bientôt des classes qui auront lu le livre avec leur professeur.
Cela vous a semblé important de débuter par un tome de réflexion sur l’historiographie ?
SV. Tous les albums de cette collection seront historiographiques, car l’histoire telle qu’elle s’écrit aujourd’hui comporte toujours cette dimension. L’Histoire ne peut pas se raconter sans aborder la manière dont l’historien a acquis ses connaissances du passé. L’avantage de la narration en bande dessinée, c’est que l’on peut aborder ces sujets complexes à travers des intrigues loufoques et entraînantes.
Comment historien et dessinateur travaillent-ils ensemble ? Comment se fait l’échange ?
SV. Il y aura des façons différentes de travailler. Une seule chose est certaine : l’historien ne dessine pas. Après, tout est possible !
ED. Sylvain avait déjà l’idée de convoquer ces cinq personnages historiques (Michelet, Jeanne d’Arc, Marie Curie, le général Dumas et Molière) et de leur faire faire cette balade dans un camion quand nous nous sommes rencontrés. J’ai proposé d’ajouter Pétain et le soldat inconnu. Nous sommes allés en repérage ensemble sur les différents lieux où se déroule l’histoire. Nous avons écrit les dialogues sur place dans un jeu de « ping-pong » jusqu’à ce que l’ensemble soit dessinable. On peut dire que le travail d’écriture est le fait de nous deux.
SV. Dans cette collection, l’historien n’est pas un vérificateur de costumes. Il ne débarque pas non plus avec un scénario entièrement écrit, et le dessinateur n’est pas un simple crayon chargé de mettre une histoire en images.
ED. Le travail de création a été pleinement collectif.
À l’heure où triomphe le genre de la « non fiction », ce tome se veut avant tout un récit, drôle qui plus est. Pourquoi avoir choisi ce biais ?
ED. On ne sait pas comment qualifier ce genre de récit. On a créé un album hybride sans s’en rendre compte… Ce n’est pas un reportage, ni une fiction, et ce n’est pas uniquement un livre d’histoire. Cet album semble ne rentrer dans aucune case. Cette particularité nous est apparue une fois le livre terminé, car quand on l’a réalisé, on ne s’est pas posé la question du genre.
Vous semblez avoir à cœur de ne pas créer de nouvelles images d’Épinal. Comment vous y êtes vous pris pour éviter ce écueil ?
ED. Nous avons voulu traiter ces images comme un écran qui cache le réel. En utilisant les connaissances historiques les plus récentes, nous avons cherché à remettre leur rôle en question.
SV. Nous avons mené un discours sur les images et sur ce qu’elles ont fait à la connaissance historique, car le roman national n’est rien d’autre qu’une succession d’images. Nous avons mis à distance ces images en examinant comment elles se sont construites. En ce sens, les scènes de Solutré et de Lascaux sont une sorte de manifeste pour la collection, une manière de présenter ce que la bande dessinée peut apporter au discours historique.
Qu’est-ce qui a présidé au choix des personnages de La Balade nationale ?
SV. Il a fallu choisir des hommes et des femmes d’horizons et d’époques différents. Je ne voulais pas de personnage antérieur au XVe siècle en raison du débat sur l’existence d’une identité nationale avant cette période, ce qui exclut Clovis ou Vercingétorix, d’où le rendez-vous raté dans notre récit…
Les personnages ont aussi été choisis pour ce qu’ils apportent d’un point de vue narratif. Pétain est le « moteur du camion », car c’est lui qui propulse l’intrigue. L’Histoire de France, c’est un lieu de débat. Si les personnages peuvent parfois tomber d’accord, ils portent aussi des convictions différentes sur ce qu’est l’Histoire de France. Nous ne voulions surtout pas écrire un catéchisme historique tel que le XIXe siècle pouvait en produire, mais exercer un esprit critique sur ce qui constitue notre histoire, en confrontant ces personnages différents à des lieux « mythiques » de l’histoire de France.
Tout au long de l’histoire, le maréchal Pétain demeure dans son cercueil. Est-ce un choix que de ne pas l’avoir dessiné ?
ED. C’est évidemment un choix. J’ai proposé ce principe-là ainsi que toute la séquence finale. On s’est mis d’accord que dans ce véhicule, il ne fallait pas placer Pétain au même rang que les autres. Par ailleurs, Pétain condamne l’initiative des autres participants. Laisser Pétain dans son cercueil lui donne un statut particulier.
Est-ce que vous envisagez une nouvelle collaboration ?
SV. Je ne sais pas, mais une chose est sûre : notre collaboration, qui a nécessité deux ans de travail, s’est bien passée.
ED. Il ne faut jamais dire jamais. On a tous les deux beaucoup de travail, mais c’est possible. Cela dit, j’ai envie de revenir à de la vraie fiction, avec une histoire que j’aurais inventé.
Premier tome de L’Histoire dessinée de la France, la critique de La Balade nationale est disponible ici
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