François Bégaudeau est prof de français dans un collège difficile, à Paris. Ce jeune auteur, déjà remarqué avec Jouer juste [1] quitte le terrain de foot pour rejoindre sa salle de classe. Dans Entre les murs, récompensé par le premier prix France Culture - Télérama, il raconte son métier d’enseignant, pour mieux jouer avec le français parlé.
Le quotidien de sa classe, Bégaudeau l’écrit avec tous les hiatus, les silences, les hyperboles. Il parle du français tel qu’il s’enseigne, tel qu’on le lui parle. Il établit le portrait d’un collège du XIXe arrondissement de Paris, pour mieux évoquer le collège en général, l’Education nationale en France. C’est un portrait drôle, rude, âpre, où les élèves sont intenables mais attachants, incultes mais curieux, enragés. Un peu facile ? Oui, parfois. Mais efficace, parce qu’écrit avec ingéniosité.
Un peu fanfaron, tant dans son rôle que dans son propos, ce super-prof-qui-comprend-les-jeunes-et-qui-LUI-croit-en-eux agace à ses heures. Par ce que, bien sûr, il se met en scène aussi. Et bien évidemment il se donne le beau rôle. Celui du prof pas comme les autres qui regarde les autres profs avec son air de les trouver tous un peu à côté de la plaque dans leur salle des profs, à s’acharner sur la machine à café ; un prof qui a des ambitions pour ses élèves, un prof qui sait s’adapter, un prof qui s’amuse avec ses élèves, un prof aimé (on lui pardonne même quand il traite ses élèves de pétasses... c’est pour dire !). Bref, un personnage.
Mais en même temps, peu importe qui il est, lui. Au cœur du livre, il y a surtout ces échanges entre l’enseignant et les élèves. Et c’est ici que se joue l’intérêt de cet ouvrage. Dans cette interaction. Car sa façon de manier les dialogues et de parvenir à un récit abouti et à des portraits saisissants par de simples saynètes, rythmées à la perfection finit par convaincre sincèrement. Nombreuses sont les expressions délicieuses, les joutes impeccables. Entre pessimisme d’une situation qui ne va pas en s’arrangeant et optimisme d’une jeunesse qui s’accroche, il faut bien l’avouer, ce prof a le don de nous faire rire (son anecdote sur l’Autriche, est une démonstration sans faille de la mauvaise foi toute puissante du maître, ne pliant jamais, osant les pires énormités.) Et ça passe !
Dans le fond Begaudeau réussit pleinement son pari, celui de mettre en scène ces élèves qui sont des mines verbales : aussi précieux qu’explosifs.

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