Le 16 novembre 2024
Jia Ziangke revient à l’épure de ses débuts avec cette chronique amoureuse en demi-teinte, sur fond de bouleversement de la Chine. Une œuvre majestueuse, à laquelle manque une touche émotionnelle.
- Réalisateur : Jia Zhangke
- Acteurs : Zhao Tao, Zhubin Li
- Genre : Drame
- Nationalité : Chinois
- Distributeur : Ad Vitam
- Durée : 1h51mn
- Titre original : Feng Liu Yi Dai
- Date de sortie : 8 janvier 2025
- Festival : Festival de Cannes 2024
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– Festival de Cannes 2024 : Sélection officielle, en compétition
Résumé : Chine, début des années 2000. Qiao Qiao et Guao Bin vivent une histoire d’amour passionnée mais fragile. Quand Guao Bin disparaît pour tenter sa chance dans une autre province, Qiao Qiao décide de partir à sa recherche...
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Critique : Depuis son premier long métrage Xiao Wu, artisan pickpocket (1997), Jia Zhangke s’est efforcé de témoigner des évolutions de son pays, cernant le quotidien de ses habitants, et mettant l’accent sur les tourments de quelques protagonistes. Cela a donné des œuvres intenses telles que Plaisirs inconnus, Still Life et A Touch of Sin. En 2015, le réalisateur avait élargi son audience avec Au-delà des montagnes qui apportait une teinte émotionnelle, jouant ouvertement la carte du mélodrame, démarche confirmée, à un moindre degré, avec Les éternels, son avant-dernier film. Caught by the Tide a la particularité d’avoir été monté avec des séquences tournées sur plusieurs années, en vingt ans. Les premières images datent de 2001, et les autres séquences ont été réalisées ultérieurement, jusqu’en 2022. Le cinéaste précise dans ses notes d’intention à propos des origines de son projet : « Avec ma caméra, j’ai capté des foules chantantes, j’ai tournoyé avec les danseurs. J’ai suivi les jeunes dans tous leurs endroits préférés. La caméra entre mes mains était submergée de plaisirs inconnus. Au cours des vingt années suivantes, j’ai suivi certaines de ces personnes de temps à autre, dans les Trois Gorges du fleuve Yangtze, à Zhuhai dans l’extrême sud, dans le nord-est et le sud-ouest de la Chine. Au fur et à mesure qu’elles vieillissaient, les caméras que j’utilisais évoluaient également : de la simple DV à l’Alexa et à la VR ».
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Dans ce cadre, l’histoire d’amour cabossée entre Guao Bin (Zhubin Li) et Qiao Qiao (Zhao Tao, muse du réalisateur) est un presque un « MacGuffin » hitchcockien, traitée avec retenue et ellipses. L’essentiel est l’environnement des protagonistes, et le réalisateur a incrusté ici un aspect documentaire, les individus apparaissant sur l’écran ayant eu un lien avec les fermetures des mines de charbon, l’ouverture d’un salon de thé dansant ou le développement des réseaux sociaux numériques. Fiction et réalité sont ainsi imbriquées, avec une mise en abyme vertigineuse puisque le personnage de Qiao Qiao avait déjà été utilisé dans deux autres films du cinéaste. Curieuse et attachante Qiao Qiao, chanteuse joyeuse au début du métrage puis jeune femme muette dans la plupart des séquences, n’hésitant pas à entreprendre des kilomètres pour retrouver son ex mais ne trouvant aucune parole face à lui, présentant un éternel regard triste, réservant ses seuls sourires au robot qui lui tient compagnie dans le supermarché où elle a trouvé un job, à l’aube de la quarantaine...
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On l’aura compris, Jia Zhangke renoue avec la veine radicale de ses débuts, avec un art sans concession, dans la lignée des Antonioni et Angelopoulos, la parabole politique en plus. Contemplatif et d’une belle rigueur formelle, le film est traversé de plans saisissants, urbains ou maritimes, axés sur l’individu ou le collectif, d’une soirée musicale entre jeunes gens au numéro d’un septuagénaire star de Tik tok, en passant par la célébration des Jeux olympiques de Pékin et la mise en place des contrôles pendant la crise sanitaire. Si le film est globalement linéaire et chronologique (mais avec peu d’indication de dates et de lieux), il ne faut pas chercher une logique narrative dans cette fresque intimiste qui nécessite une participation du spectateur pour dénouer l’implicite. Si l’ensemble est indiscutablement de haute tenue, on peut regretter toutefois une froideur ambiante et un souhait de distanciation qui étouffe toute émotion et pourra laisser sur le côté certains spectateurs, surtout s’ils ne sont pas familiers du cinéma de Jia Zhangke. Caught by the Tide n’en demeure pas moins un bel objet filmique, hautement recommandable.
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