Life is a state of mind
Le 28 février 2023
Quatre ans après le triomphe de 1917 , le cinéaste Sam Mendes revient à l’épure et nous conte l’union de deux solitudes dans une Angleterre thatchérienne et déchaînée, où toute la violence du monde ne saurait résister à la toile de cinéma, filmée comme un sacerdoce. Empire of Light se vit comme une rêverie fiévreuse, passionnée, sacrée.
- Réalisateur : Sam Mendes
- Acteurs : Colin Firth, Toby Jones, Olivia Colman, Micheal Ward, Tom Brooke
- Genre : Drame, Romance
- Nationalité : Américain
- Distributeur : The Walt Disney Company France
- Durée : 2h05mn
- Date télé : 2 juillet 2024 22:31
- Chaîne : Ciné+ Premier
- Titre original : Empire of Light
- Date de sortie : 1er mars 2023
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Résumé : Angleterre, 1980. Hilary travaille dans un cinéma : un lieu tout indiqué qui lui permet d’être en contact avec des gens et de rompre la solitude. Cette femme d’âge mûr est chargée d’apprendre les rudiments du métier à Stephen, un jeune homme noir charismatique. Bien que tout semble les séparer, une solide complicité et même une relation amoureuse se dessinent entre les deux salariés.
Critique : Empire of Light apparaît comme un retour aux sources pour Sam Mendes, longtemps agrippé aux films à gros budget où son empreinte et la saveur de ses premiers films se perdaient dans un dédale de pyrotechnie qui nous avait perdus. Visiblement lassé du système hollywoodien classique, Mendes a écrit son Empire of Light ex nihilo, sans la contribution d’aucun autre auteur, une première dans sa filmographie. C’est dire l’importance du projet à ses yeux, en majeure partie inspiré de ses souvenirs d’enfance passée sur l’île de Thanet. L’époque du film, au carrefour des années 80, évoque également l’adolescence du cinéaste, théâtre de la révolution punk, et l’émergence d’un climat politique instable, entre racisme ordinaire, émeutes des classes défavorisées et violence du mouvement skinhead. C’est dans ce monde à la frontière de l’insurrection que Hilary, gérante d’un cinéma en désuétude, fait la rencontre de Stephen, un jeune Noir aspirant à des études d’architecture, sans cesse recalé par l’académie. Cette dernière, que l’on devine rapidement sujet à des sautes d’humeur, semble être une bougie éteinte dont il faudrait agiter la flamme. Par ailleurs, elle subit quotidiennement les avances de son supérieur, Monsieur Ellis, le directeur du cinéma. Au contact de Stephen, incarné par le fabuleux Micheal Ward, elle se transforme en un feu incandescent. Nous, spectateurs, devenons alors témoins de leur frémissement d’âmes dans un cinéma filmé comme un temple solennel.
- © 2022 20th Century Studios All Rights Reserved.
Mendes filme le cinéma Empire comme un sanctuaire pourvu d’une certaine majesté, peuplé de chaises vides, vestiges d’une époque révolue, où les vaincus de la vie s’isolent pour contempler leurs rêves illuminés. Le légendaire Roger Deakins, collaborant une fois de plus avec Mendes, signe une photographie mélancolique, se passionnant pour ces grandes salles de réception vides et délabrées, convoquant son travail opéré sur Blade Runner 2049 et son Las Vegas désert. La musique électronique de Trent Reznor et Atticus Ross, collaborateurs réguliers de David Fincher, soutient à merveille la lumière sablée de Deakins en y apportant une touche de vague à l’âme qui transforme la moindre séquence de vie en moment de flottement, où les personnages peuvent s’élever et s’interroger sur la nature de leur monde, comme un songe d’une nuit d’été. Il nous vient une scène assez évocatrice où Stephen et Hilary soignent un oiseau blessé qui s’était retrouvé à l’intérieur des combles du cinéma, avant de le relâcher en l’élançant par la main vers le ciel. Le symbole est facile mais le caractère candide de Sam Mendes est plus prégnant que jamais, comme une impression que le cinéaste se livre intimement sur tout un pan de sa cinégénie. Mais l’essence d’Empire of Light se cristallise dans une des séquences finales où Hilary s’accorde une projection cinématographique, telle une respiration dans un monde plein de fureur et de rage, après qu’elle ait vécu un moment particulièrement douloureux. Le projectionniste choisit de projeter parmi les bobines de Raging Bull et Les chariots de feu un chef d’œuvre assez méconnu du cinéma américain : Bienvenue Mister Chance de Hal Ashby. Le film suit les aventures d’un jardinier de Washington naïf et simplet prénommé Chance, un homme tellement naturel que chacune de ses phrases va être prise pour un véritable oracle au point de devenir la coqueluche du pouvoir.
- © 2022 20th Century Studios All Rights Reserved.
Dans son dernier refuge au réel, la toile de cinéma, Hilary voit le cortège funèbre qui clôt le film, métaphore d’un état des lieux d’une société qui voit ses idéaux balayés d’un revers de main par l’ère Reagan, le miroir libéral-conservateur d’outre-Atlantique de la Dame de fer. La larme à l’œil, Hilary contemple la silhouette de Mister Chance s’éloignant au loin pour disparaître à l’horizon, marchant sur l’eau tel une figure christique, incarnation d’une utopie évanescente et spectrale, une vision féerique du désenchantement du monde, une image que seule la fiction est capable de créer, ce qui est finalement l’essence même du septième art.
- © 2022 Walt Disney Company
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