Notre avis : Kamila Shamsie se confronte à l’un des sujets les plus tabous du moment, le djihad – djihad au sens premier d’effort sur soi et de lutte, mais aussi djihad au sens nouveau du terme, celui qui lui est communément attribué par les médias et les instances gouvernementales aujourd’hui. L’embrigadement, le départ, la nouvelle guerre sainte. L’auteure en parle tout en simplicité et en finesse, reprenant le mythe d’Antigone et le réécrivant pour qu’il s’adapte au monde moderne. D’ailleurs, comme la tragédie avant lui, bien avant d’être un roman évoquant l’envol de la jeunesse pour le Moyen-Orient, la tête à l’envers et le cœur rempli d’espoir de renouveau, ou même avant d’être une œuvre politique, il s’agit d’un livre sur l’amour. L’amour fraternel d’abord, et l’amour tout court ensuite, l’amour qui fait faire des folies, qui fait rêver et briser les chaînes, l’amour qui fait voler au-dessus de tous les obstacles.

Cinq parties (cinq actes) pour cinq personnages qui gravitent autour de ce brasier, qui emporte tout sur son passage. Cinq points de vue, cinq manières d’appréhender les événements et cinq vies, cinq destins indépendants, pourtant intrinsèquement liés. Il y a Isma, Aneeka et Parvaiz Pasha, les frères et sœurs, les orphelins qui s’aiment plus que tout au monde, parce que chacun ne peut plus compter que sur les deux autres. La malédiction qui pèse sur leur famille ne leur laisse aucune autre solution que de croire en l’amour pour vaincre, pour survivre à un père absent et dont il vaut mieux ne rien savoir, réincarnation d’Œdipe, et pour survivre à tout ce que la vie a décidé de mettre sur leur chemin. Et puis, à ce trio de Londoniens, Pakistanais d’origine, viennent se greffer Eamonn et son père, le Ministre de l’Intérieur britannique, inspiré par le Créon despotique mis en scène par Sophocle – mais bien plus humain. Politique, trahison et mensonges sont donc au cœur d’Embrasements, les personnages se tournant autour comme des prédateurs jaugeant leurs proies. Les gouvernements sont dépassés par ces départs, par ces décisions d’une vie qui en bouleversent tant d’autres, par ces ombres qui envahissent le quotidien des condamnés et dans lesquelles ils s’immergent peu à peu pour ne plus en sortir, jamais.

Finalement, le message de l’auteure s’avère simple : l’amour est plus fort que tout, les flammes du cœur sont plus fortes que celles qui vrillent le crâne et le cerveau. C’est un roman bouleversant, un roman qui émeut aux larmes. Un véritable coup de cœur.