Seul contre tous
Le 15 octobre 2015
Après La chute, nouvelle incursion dans l’histoire allemande pour Hirschbiegel, qui nous offre le biopic aussi élégant que nécessaire de Georg Elser, résistant fantasque.
- Réalisateur : Oliver Hirschbiegel
- Acteurs : Burghart Klaußner, Christian Friedel, Katharina Schüttler
- Genre : Drame, Biopic
- Nationalité : Allemand
- Durée : 1h54mn
- Titre original : Elser
- Festival : Festival de Berlin 2015
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Après La chute, nouvelle incursion dans l’histoire allemande pour Hirschbiegel, qui nous offre le biopic aussi élégant que nécessaire de Georg Elser, résistant fantasque.
L’argument :
Allemagne, 8 Novembre 1939. Adolf Hitler prononce une allocution devant les dirigeants du parti nazi dans la brasserie Bürgerbräu à Munich. Une bombe explose, mais Hitler ainsi que Joseph Goebbels, Heinrich Himmler, Martin Bormann et d’autres ont quitté les lieux quelques minutes plus tôt. L’attentat est un échec. Rattrapé à la frontière suisse alors qu’il tentait de s’enfuir, Georg Elser est arrêté puis transféré à Munich pour être interrogé. Pour les Nazis, il s’agit d’un complot et on le soupçonne d’être un pion entre les mains d’une puissance étrangère. Rien ne prédestinait Georg Elser, modeste menuisier, à commettre cet acte insensé ; mais son indignation face à la brutalité croissante du régime aura réveillé en lui un héros ordinaire…
Notre avis : Depuis Sophie Scholl, les derniers jours, le cinéma allemand tout entier semble s’être donné le mot pour voler au secours de l’histoire de son pays et les films sur les personnalités de la résistance allemande se multiplient. Après le très beau Labyrinthe du silence, qui évoquait le procès de Francfort, il sera ici question de Georg Elser et de son attentat mené dans l’espoir de tuer Hitler.
Olivier Hirschbiegel, déjà réalisateur de La Chute, sur les derniers jours d’Hitler, s’attaque une nouvelle fois à cette période sombre de l’histoire allemande mais du point de vue de la résistance. Si la chute avait déclenché une polémique (le film avait -entre autres- été accusé de trop humaniser le Führer), il avait aussi et surtout été l’un des plus gros succès de l’histoire au box office allemand, raflant un certain nombre de prix et une nomination à l’oscar du meilleur film étranger. On ne peut que souhaiter à Elser de connaître le même succès.
© Sophie Dulac Distribution
Elser se présente donc comme un biopic – pour biographic picture- un genre qu’on ne présente plus et qui n’a pas brillé dernièrement par son originalité.
Le film prend la forme d’un long flash-back. Et commence, chose surprenante, par le moment où l’on croit que tout est perdu : l’arrestation d’Elser après son attentat raté. Les généraux nazis n’auront alors de cesse que de le torturer pour savoir qui est le véritable commanditaire de l’attentat. Notons un premier petit pied de nez aux scènes de tortures – passage obligé des films de résistance – le refus du gros plan sur les coups et blessures. On nous épargne. De même, la secrétaire qui assiste à l’interminable interrogatoire et doit noter les aveux sort de la pièce pour ne pas faire face directement au supplice du résistant. C’est dit : l’une des qualités d’ Elser est d’être un film où perce l’humanité à chaque instant, en venant de personnages aussi variés qu’inattendus et de choix de mise en scène judicieux.
© Sophie Dulac Distribution
Esler se définit lui-même comme un « travailleur indépendant ». Indépendance d’esprit, d’abord, puisque ce qui fait en partie l’originalité du personnage, c’est qu’il n’est pas un farouche militant politique. Il abhorre le régime dictatorial par humanité mais il n’est pas encarté. Il affiche son soutien à l’union rouge mais ne se considère pas comme à la solde du parti communiste. Il soutiendra toutes les formes de résistance. Indépendance dans son travail, ensuite, puisqu’il décide de se mettre à son compte en tant que menuisier et enfin indépendance de cœur car il n’hésite pas à suivre son instinct quitte à entretenir une relation avec une femme mariée. C’est cette attitude d’homme libre dans un pays contrit, de roseau sauvage qui plie mais ne rompt pas dans une dictature en guerre, qui va différencier Elser de n’importe quel autre résistant. Comme il est indépendant, il agira seul.
La question qui taraude les nazis qui le torturent, nous nous la posons aussi : comment un simple menuisier a-t-il pu construire et installer seul une bombe et déclencher un attentat de cette envergure ? De fait, les conditions de construction de la bombe sont assez peu explicitées. Et pour cause : c’est plutôt le parcours intérieur de Georg Elser, ce qui l’a décidé à faire cet attentat qui intéresse vraiment l’auteur du film. Et cela en fait son principal intérêt. On évoque ici un génie du bien à travers le prisme de son humanité et pas de son exceptionnelle intelligence.
Peut-être aurait-il mieux fallu changer le sous-titre du film. Ordinaire, Elser ne l’est pas pour deux sous. Mais garder le patronyme du héros comme titre original était sans doute délicat pour la sortie française, l’exploit de Georg Elser étant quasi inconnu sur nos terres. Sa remarquable interprétation par Christian Friedel (déjà aperçu, entre autres, en instituteur dans Le ruban blanc) donne au film une cadence inattendue. L’entreprise du héros est désespérée, son jeu est virevoltant, aussi fin que surprenant.
On pourra reprocher au film son caractère un peu trop sage au vu du caractère d’Elser, aussi idéaliste que rebelle, mais force est de constater qu’Hirschbiegel nous offre un biopic de grande qualité, en plus de mettre en lumière d’une façon très élégante un personnage essentiel de l’histoire allemande.
© Sophie Dulac Distribution
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