Les meilleures intentions
Le 12 août 2024
Palme d’or au Festival de Cannes, cette œuvre austère et superbement photographiée bénéficie d’un scénario intelligent mais pourra paraître un brin sage et académique eu égard aux récits antérieurs de Haneke.
- Réalisateur : Michael Haneke
- Acteurs : Ulrich Tukur, Susanne Lothar, Ernst Jacobi, Josef Bierbichler, Burghart Klaußner, Maria-Victoria Dragus, Leonie Benesch
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Français, Allemand, Italien, Autrichien
- Distributeur : Les Films du Losange
- Durée : 2h24mn
- Date télé : 25 mai 2020 20:50
- Chaîne : Arte
- Reprise: 30 octobre 2024
- Titre original : Das weisse Band
- Date de sortie : 21 octobre 2009
- Festival : Festival de Cannes 2009
Résumé : Un village protestant de l’Allemagne du Nord à la veille de la Première Guerre mondiale (1913/1914). L’histoire d’enfants et d’adolescents d’une chorale dirigée par l’instituteur du village et celle de leurs familles : le baron, le régisseur du domaine, le pasteur, le médecin, la sage-femme, les paysans... D’étranges accidents surviennent et prennent peu à peu le caractère d’un rituel punitif. Qui se cache derrière tout cela ?
Critique : D’aucuns ont évoqué l’ombre de Bergman dans ce récit austère d’une énigme criminelle en communauté rurale. Jamais le cinéma de Haneke n’avait en effet été aussi dépouillé, avec ces dialogues ciselés et théâtraux, ces plans fixes et cette économie de moyens qui ne tombent jamais dans les travers du « théâtre filmé ». Pourtant, le cinéaste est avant tout fidèle à lui-même : on retrouve ainsi sa thématique de la violence intériorisée, les enfants blondinets faussement innocents étant ici les lointains ancêtres de l’ado de Benny’s Video ou des deux jeunes criminels de Funny Games. La rigidité du pasteur et des notables fait écho au comportement névrosé d’Annie Girardot, la mère de La pianiste ; et les prémices d’une société totalitaire annoncent l’absurdité humaine décrite dans Le temps du loup. Les fans de Haneke retrouveront aussi ce mélange de froideur et de sécheresse qui n’appartient qu’à lui, et l’on saura gré au réalisateur d’avoir écrit un scénario tout en non-dits et ellipses, encore qu’une voix off explicative sécurise le récit dans un sentier balisé.
- © Les Films du Paradoxe
D’où vient alors le léger sentiment de frustration que suscite cet opus du maître du cinéma franco-autrichien ? Techniquement, le film est irréprochable, avec une mention pour le superbe travail du chef opérateur qui a osé un noir et blanc dépouillé en osmose avec la tonalité sombre de la narration. Mais il manque ce supplément d’âme et de vertige qui faisait la force et l’originalité de Caché ou des Funny Games. Écrasé quelque peu par les conventions du film « historique à costumes », le cinéma de Haneke semble ici déconnecté de son cadre naturel et lorgne vers un académisme de bon aloi, là où l’on pouvait attendre davantage d’audace. Mais c’est peut-être aussi le signe d’une volonté de renouveau dans le style du cinéaste, qui n’hésite pas à prendre son public à rebrousse-poil, à l’instar du Pialat de Sous le soleil de Satan, autre Palme d’or controversée.
– Festival de Cannes 2009 : Palme d’or - Prix FIPRESCI - Prix de l’Éducation Nationale
– Golden Globes, USA 2010 : Meilleur film étranger
– German Film Awards 2010 : Meilleur film - Meilleur réalisateur - Meilleur acteur pour Burghart Klaußner - Meilleure actrice dans un second rôle pour Maria-Victoria Dragus - Meilleur scénario - Meilleure photo - Meilleurs décors - Meilleurs costumes - Meilleur maquillage - Meilleur son
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roger w 1er novembre 2009
Le Ruban blanc - Michael Haneke - critique
On a un peu vite accusé Isabelle Huppert de connivence avec son ami Haneke. Si "le ruban blanc" a obtenu la Palme d’or, c’est tout bonnement que son film est le meilleur de la sélection. Dans la droite ligne du cinéma de Bergman et Tarkovski, Haneke signe un chef d’oeuvre instantané, magnifié par un noir et blanc somptueux et une analyse fine des ravages d’une éducation religieuse trop stricte. Manifeste social et antireligieux, "le ruban blanc" confirme la maturité du cinéaste après son grandiose "caché".
’Boo’Radley 25 décembre 2009
Le Ruban blanc - Michael Haneke - critique
Le sous-titre, non traduit, prévient qu’il s’agit d’une histoire allemande d’enfants. Des enfants vivant dans une étouffante et contraignante atmosphère d’autorité, damnés par la violence d’une morale dure, rigoriste, proche du fanatisme, qui va contribuer à la décomposition d’une société. C’est une fable qui cristallise dans l’art les hantises germaniques (l’action se situe avant les deux guerres mondiales) mais dont la portée est évidemment universelle. A retenir deux scènes, très simples, très belles, qui mettent en scène les héros "positifs" : le petit garçon offrant l’oiseau qu’il a recueilli à son austère père pasteur, la promenade des deux fiancés entre tentation charnelle et affection maladroite. Elles montrent que le film touche autrement que par un sens plastique reconnu sûr et exceptionnel mais prétendument glacé. "Le Ruban Blanc" sollicite une fascination à laquelle il est difficile d’échapper.
Frédéric Mignard 17 octobre 2011
Le Ruban blanc - Michael Haneke - critique
Une reconstitution historique magnifique, avec des décors précieux qui sauvent de justesse un film globalement ennuyeux, incapable de s’assumer dans le cinéma de genre ou le drame. Aucune incarnation, des personnages pour lesquels on ne ressent ni empathie ni rejet... Le Rublan Blanc est une déception.
Sébastien Schreurs 14 mai 2012
Le Ruban blanc - Michael Haneke - critique
Le village des damnés.
Michael Haneke est un immense cinéaste (depuis sa trilogie sur la "glaciation émotionnelle") et il le prouve une fois de plus avec cette parabole glaciale sur l’éducation rigoriste au sein de la petite communauté d’un village allemand. Si Haneke ne donne aucune explication (c’est qu’il fait confiance à la subtilité de son public), il faut y voir entre les lignes une divination du fascisme. Les enfants victimes de cette autorité parentale seront les bouchers nazis de demain, semblerait dire le réalisateur palmé. Bravo à Isabelle Huppert d’avoir eu le cran de faire du copinage essentiel, elle a récompensé un film implacable dans un noir et blanc à couper le souffle.