Le 1er janvier 2017
Un éléphant, cela ne Trump pas. Puisque l’on entre dans une nouvelle ère de conservatisme inédite à l’échelle mondiale, souhaitons aux divertissements de prendre en compte l’ampleur des dégâts du consumérisme et que cette belle année à venir, démarrée dans le sang versé à Istanbul, soit celle d’une révolte pacifiste par la culture et les idées.
En 2016, les médias et réseaux sociaux ont dicté aux gens leurs malheurs et ont fait miroiter à la jeunesse le diktat de l’apparence et de la célébrité comme buts ultimes, loin des valeurs d’altruisme, de partage, et de bienveillance jadis mises en avant par la société. Les jeunes femmes veulent tous être des Kim aux formes aussi larges que son cerveau est étroit. La génération selfie se croit obligée de penser avant tout à elle, avant de comprendre qu’elle n’est rien sans les autres ! De plus en plus de citoyens du monde ne savent plus ce qu’est l’engagement, préférant troller avec cynisme la toile d’avis qui se veulent subversifs, mais qui sentent le réchauffé des extrêmes manipulateurs, révisionnistes pour les masses naïves.
Culturellement, le prix à payer est effroyable. On tue l’originalité qui fait peur aux actionnaires ; au cinéma les grands réalisateurs américains, pour la plupart, ne savent plus faire autre chose que des blockbusters, passant d’un remake de King Kong au Seigneur des Anneaux ou à un film de super-héros, sans jamais chercher à livrer le meilleur d’eux-mêmes dans des projets uniques qui marqueraient l’histoire, comme jadis Citizen Kane, Les Portes du Paradis ou Apocalypse Now. On va désormais consciemment se faire une toile de films moyens dont on connaît déjà tout car après tout un consommateur n’est pas là pour faire montre de libre arbitre. On lui donne la becquée de produits déjà ingurgités, avec plein d’additifs succulents, mais tellement inconsistants in fine. En 2017, vous verrez donc, xXx3, Resident Evil 6, 50 Shades Darker, John Wick Chapitre 2, Logan, Kong : Skull Island, Beauty and the Beast, Ghost in the Shell, Fast & Furious 8, Guardians of the Galaxy, Vol 2, King Arthur, Alien Covenant, Baywatch, Pirates des Caraibes 5, Wonder Woman, The Mummy, Cars 3, Transformers 5, Moi, Moche et Méchant 3, Spider-Man : Homecoming, War for the Planet of the Apes, Lego : Ninjago, Kingsman 2, Cloverfield 2017, Thor : Ragnarok, Star Wars : Episode VIII, Jumanji... On se passera de commentaires quant aux réels enjeux qualitatifs, l’intérêt sera celui des recettes, avec des formules savamment dosées pour satisfaire Américains, Chinois, Russes et Européens.
En 2016, les Américains ont élu un président menteur car politiquement incorrect, affichant le goût immodéré de l’ego au détriment de tous les principes qu’auraient dû lui imposer la fonction briguée. Soutenu par une puissance russe en pleine résurgence qu’une certaine France loue non par pour son autorité, mais pour son autoritarisme, la Russie dopée profite du World Wide Web, comme d’autres voyous de l’idéologie néfaste qui se répand comme de la poudre.
En 2017, une certaine France se rêve de fermer ses frontières dans un monde mondialisé en voulant tout de même exporter ses produits, avec ce sentiment d’être un pays d’exception au cœur de l’Europe, voire du monde (ah bon ?). Cette nation affronte le progrès par la régression idéologique, prête à assommer ses plus pauvres de discours qui les convaincraient presque qu’ils paient autant d’impôts que des classes favorisées qui ont largement bien vécu durant la crise.
En 2017, on aimerait nous faire croire que le service public est une usurpation, car les petits ont les moyens des écoles privées et des meilleures cliniques... On voudrait de la rigueur qui frapperait immédiatement les plus faibles. Car après tout, on nous fait miroiter le plein emploi du modèle britannique... Un modèle, oui, de concentration des richesses sur une cité londonienne insolente quand les emplois de misère et le sentiment de malaise généralisé en Grande-Bretagne ont précipité la sortie de cette grande nation de cet enfer européen. Quel enfer, plus de protection dont certains profitent sans même s’en rendre compte, faute d’une pédagogie de nos dirigeants quant aux vertus du vivre ensemble.
Beaucoup d’écarts, me direz-vous, par rapport à l’objectif culturel du site aVoir-aLire. Pas forcément, de La Sociale à Merci Patron, le cinéma est social et politique, il s’envisage comme une vision d’un monde perfectible qui ne doit pas se replier sur lui-même. Le repli, c’est le communautarisme et l’accentuation des dérives identitaires vilipendées par tous. La richesse du cinéma du Moyen-Orient ou du Maghreb fort en idées progressistes, la volonté des cinéastes indépendants de pointer du doigt les ignorances ou les dérives des pouvoirs, plus économiques que politiques désormais, sont ce qui font qu’aVoir-aLire continue fortement de croire en la puissance d’un 7e art signifiant. Puisque nous entrons dans un nouveau monde, une ère d’incertitude précipitée par la première puissance économique mondiale, soyons optimistes et attendons de nos artistes, en particulier ceux du cinéma dont on ne doit pas diminuer la portée des images, une rébellion culturelle digne, avec des idées fortes dans nos divertissements, dont la fonction première d’aérer l’esprit doit être conservée, mais dans l’intelligence, le goût de l’autre et non dans le nombrilisme vain.
Bon gré, mal gré, nous croyons en 2017 et nous vous souhaitons une année politique et culturelle forte, riche et énergique, le goût de la remise en question pour de vraies causes autres que celles des théories du complot qui voudraient faire des médias les bouc émissaires d’un monde où chacun refuserait de remettre en question ses propres choix de rejet de l’autre.
L’année 2017 est à vous. Le Monde aussi. Faites en bon usage.
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