Dreams from the real world

"Imaginez... Un fait étrange pour une promenade, l’herbe bleue, jaune ou pourpre, laisse apparaître une odeur d’épice assez douce. De la cannelle peut-être, et de quelque chose d’autre, mais que je n’avais jamais senti jusque là." Ainsi débute l’apostrophe que nous adresse Eric Teruel dans le livret du CD. L’invitation au rêve est d’emblée équivoque. Un rêve lyrique, sensuel, intimiste, léger aussi, une ballade au grand air.

Le pianiste a reçu au conservatoire une solide formation classique pour s’adonner au jazz un peu sur le tard, et ça s’entend : que ce soit dans son doigté souple et finement mesuré, dans ses entrées en matière savoureusement léchées ou dans les fluides enchaînements de ses alexandrins improvisés, on devine une attention portée à la continuité des phrases musicales assez peu commune, qui confère aux compositions du trio une remarquable originalité. Mais ce n’est pas pour autant que Dreams from the real world se dispense d’offrir aux auditeurs des morceaux plus rapides, plus enjoués, plus sautillants, (avec dans Hi world, our world quelques fugitives inflexions bluesy) en un mot plus classiques -cette fois au sens jazz du terme. Dans la succession généreusement diversifiée des mouvements, qui révèle une grande maîtrise de la technique et de l’harmonie et qui pour autant ne dérape pas dans la démonstration, les musiciens ont à chaque instant la possibilité d’interagir avec les autres, ce qui procure à l’ensemble une homogénéité et une dynamique captivantes.

Lorsque le CD s’arrête de tourner, on garde en tête un univers riche en couleurs, en odeurs, en saveurs, comme si l’on se réveillait après un songe aux vestiges confusément agréables dont on conserverait, éparses, des sensations troublantes et promises à la résurgence. A découvrir.