Décrochage de rétine
Le 23 septembre 2008
L’inclassable Guy Maddin continue de stimuler l’œil avec un délire surréaliste moins mainstream que le précédent.
- Réalisateur : Guy Maddin
- Acteur : Isabella Rossellini
- Genre : Drame
- Nationalité : Canadien
- Date de sortie : 24 septembre 2008
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– Durée : 1h35mn
L’inclassable Guy Maddin continue de stimuler l’œil avec un délire surréaliste moins mainstream que le précédent.
L’argument : Un personnage nommé Guy Maddin (joué jeune par Sullivan Brown et vieux par Erik Steffen Maas) reçoit une lettre de sa mère qu’il n’a pas vu depuis des lustres. Elle lui demande de revenir s’occuper du phare situé sur une île abritant des orphelins traumatisés. La mère est décrite comme excessivement autoritaire et le père comme un scientifique occupé par des expérimentations obscures. Il se souvient alors d’une adolescente déguisée en garçon, venue dans les parages pour mener comme un détective une enquête, et que pour obtenir plus de renseignements, elle l’a séduit lui mais aussi sa soeur. Son objectif ? Comprendre pourquoi les orphelins ont des trous derrière la tête.
Notre avis : Bonne nouvelle : Guy Maddin ne s’est pas calmé et continue de ne faire des films qui ne ressemblent qu’à lui et à ses obsessions. Avoir la possibilité de découvrir son nouveau long métrage en France en est une autre (il faut d’ailleurs saluer ED Distribution pour leur courage et leur opiniâtreté). Chez cet artiste assez unique, le cinéma a souvent eu une double vocation (thérapeutique et esthétique). Avec Des trous dans la tête, le cinéaste, toujours aussi excessif et narcissique, continue d’explorer son passé en racontant une tragédie familiale avec ce mélange qui le caractérise de réminiscences personnelles et de divagations lyriques. D’où le titre qui résume littéralement le cinéma de Maddin : rassembler les pièces d’un puzzle identitaire. A l’arrivée, il paraît difficile de distinguer ce qui relève du vrai et du faux (Maddin appliquant l’idée que le cinéma reste avant tout l’art du mensonge, permettant ainsi de tordre la réalité avec ludisme). Pourtant, l’intérêt réside ailleurs. Si le foisonnement visuel s’exprime au détriment de la narration, il vaut mieux se laisser séduire par le flot d’images et de sensations. De toute façon, on comprend rapidement que l’intrigue traite de névroses à vif - complexes d’Oedipe et tentations incestueuses qui conduisent invariablement au meurtre - et explore différents fantasmes sexuels, tous liées aux notions de transgression et de monstruosité.
À la base, Maddin voulait présenter ce dernier film sous la forme d’une représentation avec comme narrateurs Isabella Rossellini ou Lou Reed et un orchestre de manière à ce que le récit se vive de manière interactive. Un peu comme à la grande époque du muet. Si elle est dépourvue de ces artifices, la version présentée au cinéma ne perd rien de son pouvoir évocateur. Pour donner une idée du programme, Des trous dans la tête se situe quelque part entre Lynch première période, l’expressionnisme allemand, le romantisme de Lautréamont, la liberté sauvage de Jean Genet et le réalisme magique de Jean Cocteau. Les aficionados - qui pouvaient être échaudés par la trop grande accessibilité de son précédent The Saddest Music in the world - seront en terrain connus, ravis de voir Maddin en pleine possession de ses moyens. Les profanes risquent cependant d’être décontenancés par une telle profusion de pistes, d’intuitions et de fulgurances. Mais ce n’est pas de la poudre aux yeux : il y a ici une proposition de cinéma hallucinante, à l’abri des modes et des époques, qui sait éviter le piège du fétichisme (les influences sont toujours dépoussiérées par la modernité du montage). Elle risque de séduire ceux qui s’ennuient ferme dans la production cinématographique actuelle.
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