Hystérique Ithaque
Le 18 février 2012
Guy Maddin le prestidigitateur revient avec un film oscillant entre le monde des gangsters et la communication avec les esprits. Une nouvelle étape dans la quête expérimentale du cinéaste, qui n’a décidément pas fini d’explorer les limites de son univers cinématographique.
- Réalisateur : Guy Maddin
- Acteur : Isabella Rossellini
- Genre : Thriller, Expérimental
- Nationalité : Canadien
- Durée : 1h34mn
- Titre original : Keyhole
- Date de sortie : 22 février 2012
- Plus d'informations : Le site du distributeur
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Guy Maddin le prestidigitateur revient avec un film oscillant entre le monde des gangsters et la communication avec les esprits. Une nouvelle étape dans la quête expérimentale du cinéaste, qui n’a décidément pas fini d’explorer les limites de son univers cinématographique.
L’argument : Ulysse Pick est un gangster égoïste, un mari violent et un père mal aimant. Après une longue absence, il rentre enfin chez lui. Chez lui… Une maison qu’il ne reconnaît plus, une maison hantée par les fantômes du passé. Chaque recoin cache un secret dont il cherche la clé. Pièce après pièce, il entreprend une odyssée au plus profond de ses souvenirs.
Denny, une jeune femme noyée et miraculeusement revenue à la vie l’aide dans sa quête. Elle est aveugle, mais son regard vide perce au-delà de la réalité présente. Elle voit ce qu’Ulysse ne voit pas, entend ce qu’il n’entend pas. Accompagnés de Manners, le propre fils d’Ulysse que ce dernier ne reconnaît même pas, ils arpentent les couloirs et les passages secrets pour se rapprocher de la vérité. Un voyage qui le rapproche pas à pas de Hyacinth, sa femme, enfermée dans une des chambres.
Souviens-toi Ulysse, souviens-toi…
Notre avis : Depuis plusieurs films, Guy Maddin tournait autour du thème, sans jamais oser s’y plonger complètement : Ulysse, souviens-toi ! est le premier véritable « film de fantômes » d’un cinéaste pourtant constamment hanté par les esprits frappeurs, les maisons qui craquent et les madeleines de Proust ramollies dans le bain du ressassement. La maison où se concentre l’action évoque ces attractions foraines du début du XXème siècle, propres à faire naître l’effroi chez quiconque s’y aventure avec un peu trop d’audace, à l’image du héros du film, Ulysse, qui progresse péniblement de la périphérie jusqu’au centre. La mythologie au sens éminent et noble du terme – le vaillant Ulysse, revenu de la guerre de Troie, errant au milieu des mers à la recherche de son Ithaque – rejoint la mythologie personnelle de Guy Maddin, peuplée de leitmotivs troublants qui traversent sa filmographie : la mémoire, l’apprentissage de la sexualité par la perversion, ou encore l’image centrale de la mère, doublement matrice et monstre. Cette figure de mante religieuse et de mère supérieure est incarnée par Isabella Rossellini, qui trouve chez le cinéaste canadien un terreau fertile pour épanouir une dimension glaçante d’ « inquiétante étrangeté », celle que David Lynch avait mise au jour dans Blue velvet…
Après son fulgurant document(aire) sur « sa » ville de Winnipeg, Guy Maddin nous fait retrouver son univers anachronique, à la fois primitif et post-industriel, un cinéma qui ne fait de concession à aucune forme établie de bon goût. Pourtant, un cap semble franchi, sans que ce changement trouve une raison véritablement objective : est-ce le passage du support pellicule au support numérique, ou un script plus loquace que d’habitude, qui font d’Ulysse, souviens-toi ! un film détonnant dans la carrière du cinéaste ? Tout se passe comme si, avec ce nouveau long-métrage, Maddin entamait une réflexion encore laissée à l’état de germe dans ses précédents films, sur le territoire de la fiction et de la parole poétique. Reprenant l’emploi des cartons de titre à la manière de Winnipeg mon amour, dans un but non plus narratif, mais entièrement musical, le réalisateur opère plus que jamais son propre mélange des genres, qui signe également le mélange entre les époques et les styles cinématographiques. Un geste de défense, peut-être : le refus d’un choix entre « l’avant » et « l’après » (et le numérique n’est pas une mince question dans cette alternative). Du 22 février au 12 mars 2012, Guy Maddin tournera une série de court-métrages (un par jour !) au Centre Pompidou, en direct et en public, placés sous le signe du spiritisme, afin de convoquer l’esprit de films inachevés ou restés à l’état de fantasmes dans le cerveau de grands cinéastes. Tisser des toiles entre les spectres et les souvenirs esseulés : son œuvre « officielle » ne fait pas autre chose.
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