Le 20 août 2021
Le rythme indolent du récit ne trompe personne et dissimule le tourbillon à venir, l’ombre de Daech qui gagne du terrain sur la terre poussière. Complexe mais riche, ce livre est surtout une réflexion historiographique et géopolitique, davantage qu’un simple roman.
- Auteur : Charif Majdalani
- Editeur : Actes Sud
- Genre : Roman
- Nationalité : Libanaise
- Date de sortie : 18 août 2021
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
L'a lu
Veut le lire
Résumé : Un spécialiste libanais de l’archéologie orientale est invité dans le nord de l’Irak par un certain général Ghadban à expertiser diverses pièces antiques. Il est reçu au milieu de plantations qui sont comme une oasis dans le désert, un îlot hors du temps, où il attend son mystérieux hôte en méditant sur la splendeur des paysages et sur l’origine des pièces qu’il soupçonne d’être liées à un important trafic d’art. Mais en ce début d’été 2014, à la veille du déferlement de violence en Irak, ce lieu d’apparence si paisible, occupé par l’atypique brigade du général Ghadban, entouré d’un côté par les forces kurdes et de l’autre par les djihadistes de Daech, se retrouve aux avant-postes de grands bouleversements – autant dire que sa sereine beauté est digne du calme qui précède la tempête.
Critique : Charif Majdalani signe un roman complexe d’une grande richesse où se côtoient nature des contes des Mille et une nuits, théories géopolitiques et analyses historiographiques. Son narrateur et héros est un marchand d’art réputé qui accepte finalement de quitter Beyrouth pour le nord de l’Irak. Les terres où il se rend appartiennent au général Ghadban, militaire estimé qui possède des pièces archéologiques qu’il aimerait vendre par son intermédiaire. Sceptique quant à l’origine de ce trésor, le narrateur ne peut cependant réfréner son irrésistible désir de l’examiner et de l’expertiser, d’être au plus près de la Beauté qui l’aveugle si souvent. Il est ainsi prêt à remettre en cause son éthique, à oublier le mystère sinistre qui auréole ces frises et têtes sculptées – ce qu’il fait. Le domaine est cerné par le désert, dernière oasis à ne pas être ensevelie sous le sable, derniers arbres à résister face au soleil et à la brise nocturne, dressés fièrement jusqu’au ciel. Le héros se laisse gagner par l’indolence du lieu pourtant brûlé par la chaleur, s’alanguit lentement, apaisé par la lumière qui baigne les montagnes à l’aube et au crépuscule, par le chant des oiseaux. Ghadban a un emploi du temps de ministre, il doit donc se montrer patient et a ainsi tout loisir de laisser son esprit vagabonder et élaborer des hypothèses alambiquées concernant la manière dont cet homme est entré en possession des pièces antiques. Puis, l’avancée de Daech coupera court à ses spéculations, l’invitera à en échafauder de nouvelles, portant cette fois sur des bouleversements amenés par l’avancée de l’état islamique.
L’auteur libanais adopte une chronologie linéaire et une narration classique à la première personne, ce qui allège la complexité de son récit. En effet, la toile de fond de celui-ci ne le rend pas accessible à tous, les dissensions entre l’Irak, les Bédouins les Kurdes, la guerre syrienne et la progression de Daech étant les fondements des théories du narrateur qui s’appuie également sur ces événements pour défendre sa vision de l’Histoire qu’il perçoit comme non-cyclique et causée par des hasards heureux ou, plus souvent, malheureux. Cependant, il parvient à présenter les faits de manière claire et fluide. Sa plume s’abandonne parfois à un certain lyrisme grandiose, presque excessif malgré la beauté de ces passages. Pourtant, son style est paradoxalement assez haché, ces descriptions paisibles mais grandiloquentes venant ainsi comme des épiphanies redonner un peu de souplesse à la narration. Les trois premiers quarts du livre s’ancrent dans une temporalité nonchalante, tandis que le rythme s’accélère soudain alors qu’arrive le dénouement, la révélation que quête le narrateur depuis de longues années, résumées tambour battant en quelques pages.
Charif Majdalani - Dernière oasis
Actes Sud
11.50 x 21.70 cm
272 pages
20 euros
La chronique vous a plu ? Achetez l'œuvre chez nos partenaires !
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.