Le 14 décembre 2020
Véritable poème à plusieurs voix, Dernier caprice, l’un des chefs-d’œuvre d’Ozu, est le récit d’une révélation : un vieil homme et ses filles redécouvrent la vertu de l’amour.
- Réalisateur : Yasujirō Ozu
- Acteurs : Setsuko Hara, Michiyo Aratama, Haruko Sugimura, Yōko Tsukasa, Ganjirō Nakamura
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 1h43min
- Reprise: 8 novembre 2023
- Date de sortie : 29 octobre 1961
– Reprise en version restaurée : 8 novembre 2023
– Année de production : 1961
Résumé : Alors que son affaire périclite et qu’il cherche à assurer l’avenir de deux de ses trois filles par un mariage de raison, Manbei Kohayagawa, patron d’un brasserie de saké, retrouve par hasard son ancienne maîtresse Tsune Sasaki, qu’il n’a pas vue depuis dix-sept ans. Ses visites clandestines lui permettent de renouer avec les joies d’un amour perdu en dépit de son âge et de sa santé fragile
- DERNIER CAPRICE © 1961 TOHO CO., LTD. Tous droits réservés.
Critique : Dernier Caprice, réalisé en 1961, est l’avant-dernier long métrage de Yasujirō Ozu. Le film est à nouveau disponible en salles dans sa version restaurée depuis le 5 août, puis l’a également été le 19 août, à l’occasion de la rétrospective « Ozu en couleur ». Il s’agit, à l’instar de ses œuvres précédentes, d’une peinture subtile et délicate de la société japonaise d’après-guerre, à cheval entre modernité et tradition. Le réalisateur, en vrai observateur de l’intime, nous plonge encore une fois au cœur de la vie d’une famille nippone avec, en toile de fond, les questions que soulève la perspective d’une fin possible.
Le film, plein de malice, est un clin d’œil d’Ozu à son public ; c’est une ode à la vie et à l’amour qui fait vraisemblablement écho à la situation personnelle de l’artiste. Incarné à l’écran par Ganjirô Nakamura, le personnage du patriarche, ce gai luron qui ne renonce jamais à s’amuser, à vivre, fait sans doute écho à l’état d’esprit dans lequel se trouvait alors le cinéaste. Celui-ci, sentant la fin se rapprocher, semble vouloir exprimer à travers ce film sa recherche de l’essentiel. Le tournage fut effectivement une épreuve pour le metteur en scène qui, très affaibli, mourra deux ans plus tard, juste après avoir réalisé son ultime chef-d’œuvre Le goût du saké.
- DERNIER CAPRICE © 1961 TOHO CO., LTD. Tous droits réservés.
Dernier Caprice fait figure d’œuvre testament dans laquelle se concentre tout le talent du réalisateur qui est alors à l’apogée de son art, maîtrise parfaitement les techniques de cadrage. Le choix qu’il fait de ne recourir qu’à des plans fixes, sans aucun mouvement de caméra, lui permet d’instaurer une certaine lenteur dans l‘action, propice à l’exploration fine et discrète des sentiments. Toutes les séquences et les raccords sont par conséquent extrêmement soignés, du fait de cette contrainte stylistique qu’il s’impose.
Une immense tendresse émane des personnages, ce qui est encore une des caractéristiques du cinéma d’Ozu. On se souviendra certainement très longtemps du sourire rayonnant et bienveillant de l’actrice Setsuko Hara, dans le rôle de la sœur aînée. Celle-ci s’était fait remarquer en 1953 dans un autre film du réalisateur, Voyage à Tokyo. Son jeu subtil et plein de pudeur, auquel répond, avec tout autant de grâce, celui de Yoko Tsukasa, sa sœur cadette, contribue à donner à Dernier caprice son empreinte si particulière, à la fois nostalgique, douce et sensible. En particulier, les scènes où les deux sœurs s’accroupissent en même temps au bord de l’eau pour discuter, puis se relèvent, toujours ensemble, forment une chorégraphie aussi harmonieuse que poétique.
Ozu pose à travers ce film un dernier regard (ou presque) sur l’homme, toute génération confondue, et son rapport au monde et à l’existence à travers le prisme d’une famille tout à fait ordinaire vivant au cœur du Japon provincial. Sa manière d’extraire la beauté du quotidien est précieuse et en a inspiré bien d’autres (Le touchant Une affaire de famille de Hirokazu Kore-eda sorti en 2018 s’inscrit dans cette même lignée). Dernier caprice révèle l’ultime message du cinéaste : l’amour n’attend pas, et la vie, non plus.
Maddalen Riou
- DERNIER CAPRICE © 1961 TOHO CO., LTD. Tous droits réservés.
Le test du DVD/Blu-ray
Dernier Caprice avait déjà bénéficié chez Arte Éditions, il y a une quinzaine d’années, d’une édition DVD accompagnée d’un documentaire de Pascal-Alain Vincent sur Setsuko Hara, intitulé La disparue : la nouvelle restauration du film, parmi d’autres chefs-d’œuvre d’Ozu, au format HD a donné l’occasion à Carlotta Films de lui offrir, pour la première fois en France, une édition Blu-ray, qui nous permet de visionner le long-métrage avec une qualité d’image et de son jamais égalée en vidéo.
Les suppléments se résument certes à une préface du même Pascal-Alain Vincent et à une bande-annonce, mais l’excellence du travail de restauration en justifie à lui seul l’acquisition, d’autant que le film est disponible, au choix, en DVD et en Blu-ray, dans une édition simple ou, avec cinq autres films du maître, dans le coffret Ozu en couleurs.
Sortie le 18 novembre 2020
L’image
L’image restaurée en HD rend tout leur éclat aux couleurs de l’avant-dernier film de Yasujirō Ozu.
Le son
La bande-son en DTS-HD MA 1.0 restitue la piste mono d’origine sans aucune altération perceptible.
Les suppléments
La préface est instructive, mais il est dommage que la bande-annonce ne soit pas celle d’époque.
Tristan Isaac
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
Hélène 14 août 2020
Dernier caprice - Yasujirō Ozu - critique
Superbe, apaisant et rafraîchissant !
Lucien75 14 août 2020
Dernier caprice - Yasujirō Ozu - critique
Intéressant, en espérant qu’il sera toujours à l’affiche à mon retour de vacances.