Rêver sa vie pour échapper à la vraie, faire du malheur un conte merveilleux et continuer à y croire... Jusqu’à quand... ?

Rose est une petite fille trop vieille qui voit le monde avec les yeux de l’enfant qu’elle ne devrait plus être. Au dessus des toits, sur la terrasse d’un immeuble d’une ville sans nom écrasée de soleil, Rose invente sa vie et celle des autres pour se protéger de la brûlure du réel. Auprès de Monsieur Loyal, faux père ou vrai directeur de cirque, et de Madame Isis, voisine au cœur aussi grand que l’imagination, elle attend sa mère, l’autre Rose, qui ce soir n’est pas rentrée. Alors pour conjurer l’angoisse, Rose invente aux siens des vies rêvées, faites de drames et de passions, de magie et d’illusions, des vies où ne se tairait jamais le frou-frou des volants, le claquement des talons, et les phrases que Rose, la mère, répète toujours trois fois.
L’univers de Véronique Ovaldé est une solitude magnifique que l’esprit peuple de silhouettes trompe-la-vie. C’est un décor lumineux que l’on plaque sur le quotidien sans parvenir à tout dissimuler. Et le conte merveilleux enfle et s’incarne, s’impose, substituant sa réalité à l’autre, la vraie, celle qui fait mal.
Et Rose raconte le fossé insupportable à franchir qui nous fait quitter l’enfance à jamais, car choisir une vie, c’est renoncer à toutes les autres. Monsieur Loyal règne discrètement sur cet univers de grand cirque magique, la mise en scène d’une vie pas assez belle pour être vécue, à qui les fastes du chapiteau vont rendre une splendeur factice.
Véronique Ovaldé est une sorcière qui sait manier le verbe et la beauté du mensonge. Son royaume est aride et désolé mais il a la magnificence de ce qui est rare. Il sait nous emporter au-delà de la raison, là où les mots sont ceux de nos rêves ou des contes de notre enfance, quand on aurait tout donné pour continuer à y croire.