De bon matin - coup d’oeil

Après Violence des échanges en milieu tempéré, Jean-Marc Moutout poursuit sa mise à nu du monde de l’entreprise à travers le portrait des êtres qui le dirigent et le subissent. Avec un militant de toujours, Jean-Pierre Darroussin.

L’argument : Lundi matin, Paul Wertret se rend à son travail, à la banque où il est chargé d’affaires. Il arrive, comme à son habitude, à huit heures précises, sort un revolver et abat deux de ses supérieurs. Puis il s’enferme dans son bureau. Dans l’attente des forces de l’ordre, cet homme, jusque là sans histoire, revoit des pans de sa vie et les évènements qui l’on conduit à commettre son acte...

Notes : De bon matin s’inspire d’un fait divers tétanisant survenu en Suisse : l’histoire d’un salarié qui, un jour de 2004, se rend à son bureau et assassine ses patrons, avant de se donner la mort sans rien expliquer de son geste. C’est justement cette volonté de comprendre l’homme derrière l’acte, de "l’approcher, l’imaginer", qui a poussé Jean-Marc Moutout a porter sur grand écran cette tragédie du réel. Le réalisateur, avoue-t-il, a voulu dépeindre la décomposition d’une existence à cause d’un conflit de travail, un homme qui périt par ce qui l’avait construit.. Il s’agit encore une fois pour Moutout, décidément passionné par le monde de l’entreprise, de retrouver l’humain au cœur d’un monde économique et financier déshumanisé, lancé à toute vitesse et guidé par les rapports d’intérêt, où l’être est manipulé et jeté au rebut comme une marchandise de plus. Mais en changeant d’approche cette fois-ci : après le cynisme des patrons (Violence des échanges en milieu tempéré) et la redéfinition des échanges amoureux dans la globalisation moderne (La fabrique des sentiments), De bon matin choisit un angle criminel teinté de drame. Ou comment l’individu se retrouve pris au piège de l’engrenage économique, comme hier l’huissier de justice Alain Marécaux (Présumé coupable) ou le jardinier Omar Raddad (Omar m’a tuer) au cœur d’une machine judiciaire faussée et implacable.

Pour donner de la densité à son portrait, le film peut compter sur un montage en flashs-back (qui nous explique le pourquoi du comment) et surtout sur l’interprétation de Jean-Pierre Darroussin, tête d’affiche de choix pour incarner les Monsieur-tout-le-monde qui pètent un boulon. Un moyen pour le comédien, qui n’a jamais caché ses engagements à gauche, de relayer son combat citoyen par le biais du Septième Art, en pleine crise et à l’approche des présidentielles (et des primaires socialistes !). Une coïncidence de plus, puisque Darroussin sera également à l’affiche du prochain film de son complice marseillais Robert Guédiguian, Les neiges du Kilimandjaro, sur un thème similaire : de jeunes travailleurs fraîchement licenciés se mettent à braquer leurs anciens collègues... Face à Darroussin, le cinéaste et acteur Xavier Beauvois (Des hommes et des dieux, c’était lui) s’est visiblement plu à interpréter les barons du système capitaliste, qui essore ses employés comme des éponges, jusqu’à les pousser à bout. Bienvenue dans un monde de précarité !