De Beaux Moments - La chronique BD

Résumé  :

Treize histoires, treize regards, treize moments de vie. Au hasard d’un coup d’œil, d’une photo, d’une rencontre, d’une soirée, des personnages se croisent ou pas, se parlent ou pas, se rappellent le passé ou imaginent le futur. Les histoires alternent entre humour et tendresse mais jouent toujours sur la corde sensible. Treize nouvelles pour nous parler de ces personnages, déjà vus ou pas, selon votre familiarité avec l’univers de Jim, treize temps pour nous parler de nous.

Notre avis :

Le risque avec treize histoires différentes, c’est que nous n’adhérions pas à toutes, les univers étant parfois trop éloignés les uns des autres et la chance avec un recueil de treize histoires, c’est de toucher juste de manière différente à chaque fois. A nos yeux, Jim se rapproche plus du second cas que du premier. Il faut reconnaître que, avec l’histoire d’introduction « Ils grandissent », Jim frappe un grand coup. Nous avons été saisi par la mélancolie de ce que traverse ce père de famille, oscillant toujours entre la conscience qu’il y a bien plus grave, et l’envie de renouer avec un passé irratrapable.
Ce récit en toute simplicité, devant cette mer qui part et qui revient sans cesse, à l’image des impressions de ce père, nous a laissé sans voix.
La légèreté de l’histoire suivante fut la bienvenue pour se remettre du choc. Légèreté pour un thème pas si léger que cela, finalement, puisqu’on y parle de l’éventualité de l’adultère. Arrivera ? Arrivera pas ? A vous de le découvrir. Et les préservatifs dans tout ça ? Mmmh ?
Bon, rassurez-vous, nous n’allons pas vous passer à la moulinette chacune des histoires de ce recueil. Notons que Jim alterne joyeusement entre histoire humoristique et histoire plus serrée, plus dense. Nous allions écrire plus dramatique, mais ce serait une erreur. Il n’est pas question de drames ici, mais des aléas de la vie. Jim navigue également entre des histoires qui sont des mouvements de l’esprit, vers le passé ou vers le futur et d’autres qui sont des événements bien précis, des mouvements du corps, capturés au détour d’une soirée, d’un pot, d’un vernissage. Mais là encore, le corps réveille l’esprit et le fait voyager, et l’esprit appelle parfois une réaction du corps, du cœur.

Nous avons noté avec humour que les histoires les plus drôles ont toujours un lien avec les nouvelles technologies, comme le nettoyage des photos de son portable, les posts hilarants d’un profil Faceook, les "like", ou un SMS de fin de soirée, alors que les plus émouvantes jouent sur d’autres ressorts, une photo, une discussion nocturne sur la plage, un regard vers une silhouette familière au coin d’une rue parisienne.
Mais au fur et à mesure de la lecture, vous vous rendrez compte qu’il est simpliste de séparer les histoires ainsi. Les larmes frôlent l’humour et inversement. C’est justement ce qui fait tout le charme de ces treize récits, tout leur charme et toute leur force !
Un autre niveau de lecture est aussi de voir ce recueil comme des retrouvailles. Au hasard de ces scènes de la vie quotidienne, vous pourrez retrouver des personnages issus de l’univers de Jim. Ce plaisir-là, nous vous en laissons la découverte. Après tout, c’est une des surprises de la lecture de cet album, et c’est aussi un des plaisirs de la vie, de croiser au détour d’une rue, - d’une page dans notre cas – un visage connu ou en tout cas pas totalement inconnu.

Sur cette BD, Jim prend également les pinceaux. Son style s’adapte très bien à ces histoires. Ces personnages réalistes s’attardent dans des poses exprimant leur ressenti profond. Leur visages parfois précis, parfois tracés, ébauchés, stylisés, laissent aussi passer leurs émotions. Les figures portent surtout la marque du temps. Différents âges, de l’enfance à la vieillesse, toute une vie s’exprime parfois dans les plis de la peau que provoque un sourire. Mais c’est le mélange entre visages et corps qui donnent vraiment le sentiment de vie dans le dessin. Les décors sont présents, mais s’estompent pour ne pas être plus que présents. Ils n’accaparent jamais l’attention, sauf quand il s’agit de perdre l’humain dans un lieu, un endroit, une plage, une balançoire près de Cadaquès. La grisaille d’une chambre, et le bleu éclatant d’un ciel. Oui, nous arrivons insensiblement aux couleurs, que Jim partage avec Delphine. Ces couleurs vous emmènent discrètement au cœur de l’histoire et soudain, elles éclatent et figent à jamais un moment. Ça tombe bien, c’est un peu le thème de l’histoire, enfin, de ces histoires.

Le découpage s’adapte de manière douce au récit. Bien que le format soit franco-belge classique, Jim joue sur des grandes cases pour poser des situations. Quand elles se rapetissent, c’est que la narration s’accélère, ou qu’elle se pose sur un temps, un souffle qui occupe plusieurs cases, un ciel étoilé au bord d’une plage, le regard d’un animal. On prend vite plaisir à ces espaces de libertés en pleine page, à ces regards qui attirent tout de suite le nôtre. Oui, Jim nous pose des cases, et des cadres, dont le but n’est pas de maîtriser l’espace, mais bien le temps.
La force de ce cadrage et de ce découpage également, est de savoir jongler avec le temps, instant éphémère figé à jamais, furtivité d’un post que l’on oubliera, happé par le suivant et ainsi de suite.
Si Jim a décidé de s’accaparer le temps, c’est pour pouvoir faire ressortir ces beaux moments qu’il a écrits. Et surtout pour nous faire passer cette émotion. La sensibilité de l’auteur, qui aime ses personnages, quels qu’ils soient, est évidente. Alors on leur pardonne leur bêtises mais quelle bêtise d’ailleurs ? Puisque nous les regardons simplement vivre, et parvenir – ou non – à saisir l’instant.

Nous avons déjà comparé Jim à un capitaine de navire. Et nous, simples lecteurs, sommes les passagers de ce voyage vers on ne sait trop où. Il faut reconnaître qu’avec cet album, le capitaine nous a fait découvrir des pays magnifiques. Alors nous allons nous entêter à rester sur le bateau, jusqu’à la prochaine escale, jusqu’au prochain paysage. Et avec De Beaux Moments, la barre est haute. Car en refermant ce livre, vous aurez l’étrange impression d’avoir oublié quelque chose, quelque part. Peut-être qu’il vous faudra vous replonger dans l’une de ces treize histoires pour le retrouver. Ou peut-être dans votre propre vie.
Merci Jim.

Feuilletez les premières pages de la BD en cliquant sur l’image ci-dessous :


Feuilletez des milliers de bandes dessinées gratuitement sur Sequencity

Un doux moment pour Zéda !