Le 11 octobre 2017
Néfaste prépare son auditeur à son premier album avec cet EP long de 16 titres, rien que ça. Qualité et quantité sont au rendez-vous pour l’un des rappeurs les plus prometteurs du rap indé francophone.
- Date de sortie : 6 octobre 2017
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Notre avis : En écoutant Dans mon Monde, difficile de vraiment penser qu’il s’agit bien d’un EP que Néfaste a voulu sortir, en attendant son premier album. 16 titres, 51 minutes au compteur, des morceaux récents, inédits, et d’autres lâchés il y a quelque temps déjà (Face à Moi-même #7 issu de sa série de freestyle, et surtout Bancs Lieux, sur Youtube depuis déjà 3 ans) rassemblés sur une même galette pas forcément pensée comme un album (la raison pour laquelle Néfaste ne l’a pas présentée ainsi), mais pas vraiment comme un EP non plus. On serait plus tenté de le qualifier comme une mixtape, comme une présentation du rappeur avant de sortir son premier album que l’on espère voir débouler dans nos oreilles avant la fin d’année. Plus affirmé dans son style maintenant bien identifiable, le citadin de Cergy s’affirme définitivement comme le rappeur triste qui s’était avant cela exprimé avec le déjà gros EP Premier Pas. Désormais bien à l’aise avec les multiples facettes de son flow protéiforme, le MC se sert de sa voix pour formaliser des rimes à forte tendance mélancolique en empruntant notamment au R’n B pour traduire le spleen de sa personnalité gagnée par l’usure de ses observations quotidiennes.
Plus mélodieux, avec des morceaux comme Mayday, Hier Encore ou Dans mon Monde (même si c’est Lekma au refrain chanté), Néfaste refuse cependant de rendre sa musique plus attractive en gardant cette épure dans les arrangements musicaux pour rester au plus proche d’un son brut de la rue. D’ailleurs très acide envers ceux abusant du trafic vocal ("je rappe avec mes couilles pendant que tu corriges ta voix", paye la punchline qui a tout dit), le rimeur garde par cette simplicité une forme d’honnêteté sans cache peu souvent observée à un niveau aussi élevé. La figure de proue de RSKP (on attend l’album du groupe d’ailleurs) rappe sa vie avec un franc-parler à l’origine du sentiment de proximité que l’on éprouve envers ce hip-hop et son auteur, toujours critique sur son comportement, enfermé dans un cercle vicieux d’habitudes destructrices. Très vigilant sur l’influence que peut avoir un rappeur sur son auditoire, Néfaste exploite ses expériences pour s’adresser aux plus jeunes comme un grand frère bienveillant et proche de son quartier. Même si la véracité dans le propos se confronte malheureusement à une redondance dans le traitement des thématiques, Dans mon Monde développe une telle maturité dans le propos qu’il peut émaner de cette série de confessions des enseignements utiles à tout un chacun (surtout aux gars des quartiers, on ne va pas se mentir). Cette volonté de transmettre plus que son existence impacte fortement cet EP par le dépouillement d’égotrip dans les textes, qui s’incorpore dans une ambiance générale dépressive. Pas de frime, ni de personnage mythomane, juste Néfaste tel qu’il est.
Assez anodine en apparence, la phrase d’ouverture de Sans Issue, « Dès qu’t’écoutes la boucle tu sais qu’c’est Nef » (on sait aussi que c’est Apollo Brown), a cela d’intéressant qu’elle en révèle finalement beaucoup de l’identité artistique que se construit le rappeur au fur et à mesure. Presque toujours associés aux instrus simples et efficaces d’Itam, les textes du MC sont dictés par cette humeur grisâtre où le coup de blues se généralise au point de remettre en cause le concept même de « coup » de la dite expression. Rappeur de punchline triste, Néfaste polit son talent pour le sens de la formulation marquante, s’amuse avec des jeux de mots sur Alcool, Shit et Maux de Tête (« Tu jures sur la Mecque, mais tu nages à contre-Coran ») sans jamais pour autant quitter le climat morose dans lequel baignent ses morceaux. Dans mon Monde découle complètement de cet esprit vraisemblablement mélancolique où l’inspiration s’extrait plus facilement dans la dépression que la joie. Aucune note de légèreté dans la musique de Néfaste et ce même lorsqu’il chantonne le refrain de Doc avec ses potes Sosa et LaCraps, à la nonchalance similaire à celle d’un chant de bistrot convivial, mais qui renferme en vérité le mal-être de trois gars bien trop alcoolisés. Ce grand sérieux saura en rebuter plus d’un mais offre une vitrine saisissante de la vie d’un gars de la rue, avec tout ce que cela peut comprendre, entre rancune envers un système (qu’il soit judiciaire ou social) écrasant pour les jeunes de banlieue et contradictions régies un style de vie difficile.
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